đĄ La fĂȘte foraine : entre joie et tragĂ©die
Kyle rejoint Randy Ă la fĂȘte foraine automnale pour tirer Ă la carabine au stand de tir. Il ignore encore que cette journĂ©e provoquera un tournant irrĂ©versible dans sa vie.
Salut chair lecteur·ice đ
Je souhaite la bienvenue Ă Fleur, Thomas, Lulu, Clara et Sophie, les nouveaux abonné·es aux Papiers Noirs Ă lâEncre Rouge ! Ca me fait plaisir de savoir quâon est un peu plus nombreux·ses.
Dans la derniĂšre newsletter dĂ©diĂ©e au thriller familial, je tâai demandĂ© ce que tu aurais aimĂ© lire dans cette 50e Ă©dition.
Jâai pris les votes (et lâabsence de votes) au pied de la tombe - euh, au pied de la lettre - et jâai dĂ©cidĂ© de te partager un texte inĂ©dit qui devrait te mettre doucement dans lâambiance dâHalloween Ă©tant donnĂ© son sujet.
Eeeeh bien, j'ai déjà écrit ça, mais ton imagination du tragique ne cessera sûrement jamais de m'étonner ! Bravo pour ce texte, bref mais terriblement efficace ! Je crois véritablement que tes nouvelles gagnent en finesse, dans ce registre que tu aimes et qui te réussit si bien...
Ca, câest le commentaire de Camille, mon acolyte dâĂ©criture et amie, Ă propos dâune histoire courte que jâai Ă©crite Ă lâoccasion dâun dĂ©fis.
A relire cette nouvelle Ă©crite il y a presque un an, un Ă©lan de nostalgie mâenvahit.
Jâai lâimpression quâil est loin le temps oĂč je pouvais me saisir dâun thĂšme, dâun sujet, partir dâune contrainte et Ă©crire de bout en bout entre 1000 et 2000 mots, crĂ©er un rĂ©cit original qui chatouille le lecteur lĂ oĂč ça fait peur.
Je me rends compte Ă quel point câest idiot. Câest un espĂšce de syndrome de lâimposteur que je me traĂźne. En cercle vicieux, ne plus Ă©crire fait que jâĂ©cris de moins en moins.
Mais jâai tellement ENVIE dâĂ©crire !
Et tu vas mâaider, nâest-ce pas ? Lis bien jusquâĂ la fin, jâaurai besoin de toi.
Maintenant, je te propose une petite expĂ©rience littĂ©raire avec un texte de mon cru. Tu mâen diras des nouvelles đ
đĄ La Grande roue
Il croyait ĂȘtre dĂ©pourvu dâĂ©motion, jusquâĂ cet accident.
Sa mĂšre sâĂ©tait une fois de plus dĂ©barrassĂ©e de lui en lâenvoyant jouer avec Randy Ă la fĂȘte foraine automnale. Kyle nâavait pas conscience quâelle sombrait dans lâalcoolisme depuis le dĂ©part de son pĂšre. Un mĂ©canisme de dĂ©fense psychologique lui interdisait mĂȘme dây penser. En rĂ©alitĂ©, tout ce qui lui importait câĂ©tait de pouvoir dĂ©penser quelques dollars dans les jeux de tirs Ă la carabine en espĂ©rant repartir avec un ou deux lots. Randy avait dâautres projets. Son truc Ă lui, câĂ©taient les manĂšges Ă sensation. Il ne jurait que par ça, mĂȘme si tous les ans son teint virait au vert et quâil manquait de rendre son goĂ»ter. La vie Ă©tait faite de paradoxes et courir aprĂšs une envie de vomir Ă©tait plus frĂ©quent quâon ne le pensait.
Le doigt sur la gĂąchette, lâĆil droit fermĂ© et la langue coincĂ©e entre ses dents, Kyle tira.
â Dans le mile !
Le forain se mordit lâintĂ©rieur de la joue et pria pour que ce sale gamin attire dâautres joueurs moins chanceux. Pour la troisiĂšme fois depuis le dĂ©but de la partie, le plomb du garçon finissait au centre de la cible rouge. Pas un seul tir manquĂ©. Encore deux et il pourrait prĂ©tendre au gain qui lui faisait de lâĆil : lâespĂšce de dinosaure vert et rouge qui pendait au dessus du stand. Avec des dents aussi pointues que celles dâun requin, il donnait lâimpression dâĂȘtre sur le point de lui dĂ©vorer la tĂȘte.
Kyle se replongea dans une profonde concentration, ignorant le brouhaha ambiant. La musique suraiguë, les commerçants racoleurs, le moteur des machines à faire les chichis, le bras mécanique de la grande roue et les cris de joie des ses passagers. Ce mélange de sons devint un bourdonnement de fond. Il visa à nouveau la cible. Il tira et agrandit le trou du milieu. Quatre. Si jamais il manquait le cinquiÚme tir, il se rabattrait sur le gorille miniature. Sa mÚre aimait bien les singes. Au moment de tirer son dernier coup de fusil, le comptoir du stand trembla. Déséquilibré, son coude flancha et le plomb se logea sur le mur, à dix centimÚtres de la cible.
â Non ! Je veux recommencer, vous mâavez fait bouger !
En prise Ă une injustice profonde, Kyle balança le fusil sur le comptoir et sâaperçut que le forain nâĂ©tait plus lĂ oĂč il se tenait une minute auparavant. Une odeur de brĂ»lĂ© parvint Ă ses narines pourtant encore embrumĂ©es de la senteur de la barbe-Ă -papa. En tournant les talons Kyle vit le forain fixer un point en altitude. La terreur se lisait dans ses yeux, il avait lâair paralysĂ©. Le garçon lui agrippa le t-shirt.
â Monsieur, faut me laisser rejouer. Câest pas juste.
â Mon dieuâŠ
Non seulement il nâavait pas lâintention de le laisser retenter sa chance, mais en plus il nâallait pas bouger dâun pouce. Un dĂ©part de feu Ă©tait Ă lâorigine de cette odeur de cramĂ©. Kyle ne sâen Ă©tait pas rendu compte tout de suite, mais la musique sâĂ©tait arrĂȘtĂ©e et les machines ne tournaient plus. Les flammes sâĂ©levaient Ă plus de deux mĂštres, prolongĂ©es par dâĂ©pais nuages de fumĂ©. Elles emprisonnaient tous les gens qui Ă©taient montĂ©s, le cĆur en joie, dans la grande roue. Doucement, progressivement, comme lorsquâon remonte Ă la surface aprĂšs une apnĂ©e Ă cinq mĂštres de profondeur, Kyle les entendit. Les hurlements. Il y en avait deux types. Dâabord, celui empreint dâune peur face Ă une effroyable certitude, la mort inĂ©vitable. Tous les enfants coincĂ©s dans leur nacelle soudainement Ă©triquĂ©e savaient quâils pousseraient bientĂŽt le deuxiĂšme type de cri. Celui empreint de douleur, intense et incontrĂŽlable que poussaient les gens en train de brĂ»ler vifs. A ces hurlements sâajoutait le crĂ©pitement mĂ©lodieux du feu et le craquement du bois. Bouche-bĂ©e devant le spectacle de cette symphonie macabre, Kyle en oublia Randy. Si son cĆur palpitait comme aprĂšs une course, ça nâĂ©tait dĂ» ni Ă la peur ni Ă lâangoisse de ne plus jamais revoir son copain dâĂ©cole. CâĂ©tait de lâexcitation pure.
Seules deux personnes survĂ©curent Ă ce tragique accident Ă©lectrique. Les quatre-vingt deux autres succombĂšrent en grande majoritĂ© Ă leurs brĂ»lures, avant mĂȘme que les pompiers nâarrivent. Quelques uns se tuĂšrent en sautant des trente-cinq mĂštres de haut pour Ă©chapper aux flammes. Les derniers moururent des suites de leurs blessures, Ă lâhĂŽpital. Randy, en dur Ă cuir, fut de ceux-lĂ . Kyle lui rendit visite une fois par jour, chaque soir aprĂšs les cours avec lâintention morbide de voir dans les yeux de son camarade les atrocitĂ©s auxquelles il avait assistĂ©. Dans lâunique but de ressentir cette osmose, que le plus joli bruit du monde, ces hurlements dâhorreur, ressurgissent et le transcendent. En rĂ©alitĂ©, ça ne faisait pas illusion. Et Randy rendit son dernier souffle au bout dâune semaine de soins intensifs.
Comment ressentir Ă nouveau ce frisson de plaisir extrĂȘme ? Les accidents de grande roue restaient exceptionnels. Dâailleurs, la fĂȘte foraine automnale ne fut pas reconduite pendant trois annĂ©es de suite. Le temps de laisser couler lâeau sous les ponts du scandale meurtrier. La quatriĂšme annĂ©e, les familles toujours en deuil refusĂšrent quâon installe une grande roue.
Visionner des accidents Ă la tĂ©lĂ©vision, regarder des films dâhorreur, Ă©couter les informations des reporters de faits diversâŠÂ Kyle grandit en essayant de retrouver cette sensation. Mais rien de tout cela nâĂ©tait à la hauteur. Ăa provoquait Ă peine un frĂ©missement. Il comprit que lâintermĂ©diaire dâun appareil altĂ©rait son expĂ©rience. Il lui fallait ĂȘtre sur les lieux, entendre et voir en temps rĂ©el. Mais devenir le tĂ©moin dâun accident mortel relevait de lâanecdote, presque du miracle. Alors, il nâexistait quâune seule solution. Provoquer les circonstances.
Secrets dâĂ©criture
Pour cette histoire, Camille avait choisi le thĂšme suivant : "Le plus joli bruit du monde". Certaines personnes auraient probablement pensĂ© aux pleurs d'un nouveau-nĂ© ou Ă une mĂ©lodie, peut-ĂȘtre mĂȘme au chant des oiseaux... Moi, j'ai pensĂ© au cri d'agonie des mourants.
De son cĂŽtĂ©, Camille a choisi la poĂ©sie. Peut-ĂȘtre que ça tâintĂ©resse de dĂ©couvrir son texte et de voir ce quâelle a pu imaginer Ă partir du mĂȘme thĂšme !
Je te prĂ©sente Dans un fragment de nuitâŠ
Mes autres histoires courtes
Tu peux retrouver les 3 autres histoires que jâai Ă©crite dans le cadre du dĂ©fi dâĂ©criture de Camille juste en dessous :
Brice est impulsif et tĂȘtu. Imagine ce que ça peut donner au volant d'une voiture quand on lui fait une queue de poisson...
Faux-plafond
Kelly vient de signer son acte d'achat, la voilà heureuse propriétaire d'un appartement, le tout premier. Une nouvelle vie l'attend, et ça commence par une tache sur le faux-plafond de la cuisine...Les liens de la haine
Les liens du sang sont plus fort que la haine, mais ne l'anéantissent pas.
Si tu crĂ©Ă©s un compte sur le HĂ©ron (le site oĂč sont postĂ©s et sĂ©curisĂ©s mes textes), tu pourras me laisser un avis lĂ -bas. Sinon, nâhĂ©site pas Ă revenir mâen parler ici en commentaire, en MP sur Insta ou par mail đ
Avant de partir, jâai besoin de toi.
En commentaire, donne-moi un lieu (ex : une fĂȘte foraine comme dans La Grande roue) et une date prĂ©cise (ex : 25/08/1996) et je promets de plancher dessus pour en tirer une histoire courte et de trĂšs âmauvaisâ genre pour te la partager dans une prochaine newsletter.
Ca ce serait de la motivation en barre !
Comment interagir avec moi sur Substack ?
La majoritĂ© de mes abonnĂ©s nâa pas de compte Substack, et la grande majoritĂ© nâinteragit pas avec mes newsletters (par mĂ©connaissance de la plateforme, par crainte, par flemmeâŠ). Pourtant, la newsletter câest pour toi que je lâĂ©cris !
Jâadorerais pouvoir la construire AVEC toi.
Quand tu laisses un like, tu mâindiques de continuer dans cette voie.
Quand tu commentes, tu peux me dire ce que tu as aimĂ© et jâajuste le contenu.
Quand tu partages, tu agrandis la communauté et donnes plus de chance à mes écrits, notamment 13 Effrois, de trouver ses lecteur·ices.
Alors, si tu ne sais pas comment interagir avec moi sur Substack, je tâexplique tous dans cette Ă©dition. Tu verras, câest simple comme âAu revoirâ.
JâespĂšre que cette histoire courte tâaura plu. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain đ
Il est super ce texte ! Un petit cÎté Brady Hartsfield (Mr. Mercedes) ce Kyle...
Sinon je veux bien jouer au jeu : 12/12/2012, dans un camping car (haha truc au hasard total).