La netflixation de la littérature me fait peur
Je mets les problématiques de la dématérialisation du livre sur la table.
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue à Franck, Sébastien, Alex, Yannis, Christophe et les autres dans l’enfer de cette 63e édition des Papiers Noirs à l’Encre Rouge.
Dans ces Papiers Noirs tu trouveras de quoi (re)découvrir des pépites littéraires et cinématographiques entre thriller, fantastique, horreur et science-fiction. Par le prisme de l’écriture, de la lecture et de l’actualité, c’est sang pour sang '“mauvais” genres.
Bonne lecture !
🔪En un coup de couteau
Streaming littéraire = dépossession, limitation culturelle et précarisation des auteur·ices
Les avantages des livres dématérialisés
Les alternatives à l’abonnement Kindle d’Amazon
T’as remarqué comme la culture semble peu à peu disparaitre de nos intérieurs ? Pas qu’on en consomme moins, mais qu’on la consomme autrement !
Je veux parler des CD qu’on a troqué contre Deezer et Spotify (quand bien même cette dernière soutien la politique d’extrême-droite de Trump) ; des jaquettes de jeux-vidéo par des exemplaires virtuels (cf. le Game Pass de XBOX) ; les DVD - dont la vente à chuté de 82 % entre 2010 et 2021 (source La Dépêche, 2025) - par Netflix et cie.
Qu’en est-il des livres ? Sont-ils en train de disparaitre de nos étagères ?
Moi, j’ai peur de la netflixation de la littérature. Cherche pas, j’ai inventé ce concept.
Mes inquiétudes face à la dématérialisation du livre
Quand on parle du streaming de la littérature, la première chose qui vient en tête c’est l’abonnement Kindle d’Amazon (ou Kindle Unlimited) qui existe depuis 2014. C’est le leader mondial du marché.
Et pourtant…
1. La location déguisée
Tu as beau mettre 10,99 € dans 13 Effrois, une fois que tu l’as entre les mains c’est ta propriété. Tu peux le lire, une fois, mille fois, le prêter, le surligner, le corner… Euh, en fait non, ne le corne pas s’il te plait. Tu peux même le revendre d’occasion au bout de deux ans parce qu’il traîne sur un meuble mal rangé. Bref, il est à TOI.
Alors que lorsque tu donnes 9,99 € par mois à Amazon pour lire, est-ce que les 5 bouquins que tu auras lu en un mois t’appartiennent ? Spoiler : non.
L’abonnement Kindle est un système de location. Tu dois rendre ce que tu as emprunté. Comme à la bibliothèque, sauf que c’est beaucoup plus cher.
En juillet 2009, Amazon sans accord préalable, a effacé à distance une version des romans 1984 et La Ferme des animaux de George Orwell installée dans les Kindle de ses clients. (Source : New York Times). C’était pour des raisons de fraude : le marchand ayant vendu ces versions à Amazon n’en possédait pas les droits. Mais… Ca prouve qu’Amazon peut bien faire ce qu’il veut, même si tu as payé. Ca me rappelle les réseaux sociaux qui font sauter des comptes et jouent avec l’algorithme à leur aise.
2. La limite du catalogue
Il a beau s’appeler “Unlimited”, cet abonnement a bien une limite : son catalogue. Il contient environ 50 000 titres en français. C’est beaucoup à l’échelle d’un·e lecteur·ice et en même temps ridicule à l’échelle de la production littéraire mondiale.
Et la plus grosse limite du catalogue, c’est sa sélection biaisée.
On ne découvre pas les nouveautés, les pépites cachées, les œuvres hors code ou hors du commun sur l’abonnement Kindle. Enfin, sauf celles des auteur·ices indépendant·es (mais là aussi y a un os). Beaucoup de maisons d’éditions (notamment les ME indépendantes) ne jouent pas au jeu d’Amazon, parce qu’elles ne veulent pas rouler pour une firme américaine déloyale et parce que ça n’arrange pas leurs finances.
En plus, le catalogue est surtout rempli de littérature classique et de best-seller, sans parler des sagas pour fidéliser les lecteur·ices, parce que c’est toujours une question de business. Même si je n’ai rien contre ces œuvres là, ça sera toujours limitant comparé au choix éclectique d’une librairie qu’elle soit dans ta commune ou en ligne.
Je n’aime pas qu’on me dise quoi lire.
Dans cette liste de Livre Hebdo (2024), seul Reminder of Him (Romance) pas et La Psy (thriller) sont des One Shot. Tous les autres sont un tome de saga, souvent en 3 tomes.
3. La précarisation des auto-édité·es
Tu sais probablement que la vie des auteur·ices c’est rarement le luxe (sauf quand on s’appelle J.K. Rowling, mais je préfère être moi qu’une transphobe écœurante).
Quand tu as de la chance, tu touches un à-valoir - hyper variable - et des droits d’auteur·ice de 8 % à 10 % sur la vente de tes 500 exemplaires. Et quand tu as beaucoup de chance, tu touche plus de 10 %, ton livre est adapté en film ou en série Netflix (ils sont partout ceux là) et comme tu vend des milliers d’exemplaires tu peux vivre au bord de la mer.
Mais dans la plupart des cas, tu survies ou bien c’est une passion en supplément financer d’un emploi à temps plein : un hobbie quoi. Voire, tu perds de l’argent en publiant - je prends mon cas pour une généralité.
Dis toi qu’Amazon a réussi à ajouter une couche de précarisation sur le compte des auteur·ices. S’iels veulent rendre leur œuvre disponible dans l’abonnement Kindle, iels doivent signer en exclusivité avec Amazon.
En plus, la rémunération est faiblarde. Elle se fait au nombre de pages lues et au prorata du nombre de lecteur·ices abonné·es (un casse-tête).
Les avantages du streaming littéraire
Cela étant, je ne peux pas cracher sur le modèle du streaming littéraire sans lui reconnaître quelques avantages. Faisons une liste concise :
Plus besoin d’une bibliothèque XXL
→ Personnellement, je ne lis pas sur écran donc je suis contrainte de faire avec la place que j’ai… Je donne et revends donc les livres que je ne relirais jamais.
C’est moins cher ! Un abonnement à 10 € ou 11 € par mois permet d’accéder à plusieurs dizaines de livres, alors qu’un poche coûte facilement 8 €. Surtout dans le contexte de hausse des prix du livre de ces dernières années.
Meilleure découvrabilité pour les auteur·ices indépendant·es depuis ce catalogue et facilité pour entrer dans le monde de l’auto-édition.
Quelles alternatives au streaming littéraire ?
Si on voulait se mettre au streaming littéraire sans dépendre d’Amazon, on va où ? Voici une liste non-exhaustive de possibilités.
1. Les plateformes communautaires
Wattpad : une plateforme d’écriture et de lecture en ligne freemium créée en 2006 au Canada. Tu peux y publier et y lire des histoires dans tous les genres (même si le genre dominant est la romance, voire la dark romance).
C’est un géant sur lequel j’ai tenté quelque chose en publiant une novella en chapitres (dont la fin n’est même pas en ligne, honte à moi). De toute façon, c’est une romance fem donc ça m’étonnerait que ça t’intéresse particulièrement !
Fyctia : une plateforme française spécialisée dans les concours littéraires fondée en 2015 par la Maison d’édition Hugo & Cie, spécialisée en romance et young adult. Les auteur·ices publient leurs histoires chapitre par chapitre en fonction des votes des lecteurs. Ce modèle interactif est censé visibiliser des néo écrivain·es, voire d’être repérés par les éditeurs partenaires, notamment Hugo Publishing.
En ce moment, tu peux aller lire parmi les 107 thriller en cours de publication pour le concours “Impact du polar”.
Héros de Papier Froissés (HPF) : regroupement de deux plateformes de publication en ligne Harry Potter Fanfiction (HPFanfiction), dédiée aux fanfictions sur l’univers magique, et Le Héron à la Plume Flamboyante, destiné aux œuvres originales. Gérées par une association à but non lucratif fondée en 2006, elles offrent un espace communautaire aux auteur·ices et lecteur·ices, via un forum et de multiples activité de type concours et challenges. Contrairement à d’autres sites, HPF privilégie la qualité et l’échange entre passionné·es, tout en garantissant un environnement respectueux et bienveillant.
Sur le Héron, mes histoires les plus lues sont celles que j’ai publié dans le cadre du challenge “Calendrier de l’Avent 2017” qui consistait à écrire 24 textes, un pour chaque jour de décembre jusqu’à Noël. Ca s’appelle Un Noël dystopique, si tu es curieux·se. Mais je te préviens, ça a de l’âge…
Résumé :
Arrêtons de nous leurrer. L'avenir, même s'il est pour le moment inaccessible, reste un futur proche et certain. Vous croyez qu'il sera meilleur, qu'il nous sauvera, alors vous vous reposez sur vos acquis ?
Moi, je sais comment ça va se passer...
Des alternatives de streaming plus “éthiques” ?
Vivlio : une application française de lecture en streaming fondée en 2019 sous le nom de Rocambole, rebaptisée Doors en 2023, puis Vivlio en 2024. Elle propose des séries littéraires au format court (chapitres à lire en 5 minutes), pensées pour être lues sur smartphone ou tablette. Son modèle repose sur un abonnement donnant accès à un large catalogue de récits originaux et exclusifs, rédigés par des auteurs sélectionnés et édités par des professionnels.
Everand : une plateforme de lecture en streaming fondée aux États-Unis en 2007 sous le nom de Scribd (bien avant l’abonnement Kindle donc). Elle propose un accès à un large catalogue de livres numériques, livres audio, magazines et documents, moyennant un abonnement mensuel. Afin de mieux concurrencer le service d’Amazon, Everand met en avant, en ce début d’année 2025, une rémunération plus équitable des auteurs et éditeurs, tout en offrant une interface améliorée pour l’expérience de lecture. (Source : Actualitté)
Avant de partir, dis-moi...
Selon toi, l’avenir du livre c’est quoi ?
Le livre papier restera-t-il le format principal de lecture, ou bien sera-t-il remplacé par l’e-book qui fera de lui un objet de collection ? Le streaming littéraire (abonnement) est-il l’avenir et sous quelle forme : sérielle ou classique ?
Je te laisse me donner ton avis en commentaire, si tu veux en discuter, tranquille.
J’espère que cette newsletter sur le streaming littéraire t’aura intéressé·e. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
Je n'abandonnerai jamais les livres papier, tout comme je n'ai pas abandonné l'achat de jeux vidéo physique et l'achat de DVD (bon pour la musique j'ai Deezer, mais j'ai une platine et j'achète des vinyles !). La seule plateforme de streaming que je trouve "louable" ce sont les livres audio, je suis passée d'Audible à Nextory récemment et je suis fan, je fais de belles découvertes grâce à ça !
Sinon, j'ai la même Kindle depuis 6 ou 7 ans, mais je n'ai jamais pris l'abonnement, parce que je savais que je continuerai d'acheter des livres papier. Alors parfois je peux passer pour une matérialiste, mais je m'en fous parce que si jamais l'internet est en panne, j'ai toujours des films à regarder, des vinyles à écouter, des jeux vidéo à jouer ou des livres à lire :)
J'avoue que j'aime bien tous les formats, parce que je fais un usage différent de chaque. J'achète en papier quand je sais que je vais aimer et que je veux ce livre dans ma bibliothèque, en ebook quand je veux pouvoir lire dans mon lit (😂 plus pratique) ou en voyage. J'ai l'abonnement Kindle pour la sélection en anglais (j'adore les séries policières à rallonge, genre plus de 15 tomes, et ma bibliothèque et mon porte-monnaie ne sont pas extensibles à l'infini), et Audible parce que je suis fan de livres audio (qui me sauvent la vie pendant les trajets et les corvées). Malgré tout ce qu'on peut dire, l'abonnement Kindle m'a permis de découvrir beaucoup d'auteurs auto-édités que je n'aurais jamais connus autrement... Là on parle du côté lecteur ; pour le côté auteur, je ne me prononce pas, parce que TOUTES les options (maison d'édition, format papier, format numérique, abo Kindle, Wattpad, auto-édition, etc.) sont à un moment ou à un autre, défavorables pour l'auteur.