📕Saga horrifique | Coup dur | ChatGPT
Je te parle de l'oeuvre d'un pote de Stephen King, du premier coup dur dans l'auto-édition de 13 Effrois, et de la légitimité d'un auteur qui écrit en collaboration avec ChatGPT. C'est parti !
Une saga familiale frissonnante
Ces 3 derniers mois, j’ai lu l’intégralité de Blackwater. Je sais, on en parle beaucoup sur les réseaux parce que la saga fait sensation avec sa nouvelle et splendide édition de Monsieur Toussaint l’Ouverture. Ma couverture préférée c’est celle du Tome 6 ⬇️
1919, la petite ville de Perdido est submergée par une crue soudaine et dévastatrice. Les riches et leurs esclaves se logent dans l’église et advienne que pourra aux autres habitants, qui, pour la plupart, ont fuit quand l’alerte a été donnée. Mais une étrangère, Elinor Dammert, rscapée, est retrouvée dans une chambre de l’hôtel. Elle n’a ni bu ni mangé pendant quatre jours.
Michael McDowell, un contemporain de Stephen King, écrit Blackwater en quelques mois en 1982. Elle a été publiée à raison d’un tome par mois entre janvier et juin 1983, ce qui a inspiré à King la publication en série de La Ligne verte. Et Blackwater n’est arrivée en France que l’an dernier. On à l’air de quoi avec nos 40 ans de retard ?!
Son histoire se déroule dans le sud des États-unis, en Alabama, au milieu du XXe siècle. Et si elle aborde des sujets intemporels comme la famille, le mariage ou la parentalité, elle le fait avec les moeurs d’un autre temps…
A Perdido, on aime pas les étrangers, encore moins les roux, parce qu’on est plein de préjugés sur tout : les femmes, les noirs, le mariage, les enfants… A me faire chérir notre époque, loin des années de discrimination légitime.
Il n’empêche que Blackwater est rafraichissante ! D’abord, la construction de l’intrigue ressemble à celle d’une série télé en 6 saisons. Tout est calibré. On suit la famille Caskey et sa cupidité aux multiples rebondissements. Chaque chapitre, comme un épisode, entâme un arc narratif et en clos un autre tout en faisant avancer l’intrigue principale : la prospérité ou la déchéance des Caskey.
Blackwater est aussi flippante… L’élément fondamental et justement dosé de cette histoire a priori banale, c’est l’étrange. Quand Elinor, jolie jeune femme sauvée de la noyade lors d’une crue centenale par Oscar Caskey, débarque à Perdido, on se méfie d’elle comme d’un mauvais présage. Elinor parvient à se faire aimer de tout le monde, sauf de la matriarche du village, Mary-Love Caskey (qui tient aussi son fils par les bolls). Comme dirait Ron Weasley, Élinor est “brillante, mais effrayante”.
Tout s’explique ! McDowel est un fanatique de la mort, au point de collectionner un tas d’objets douteux comme des plaques mortuaires provenant de cercueils de nourrissons. Glauque.
Il est surtout connu pour ses histoires d’horreur historiques ou ses textes gothiques. Et, petite info à ressortir en repas de famille ou devant des cinéphiles, il est scénariste de Beetlejuice, réalisé par Tim Burton (je vous ai déjà dit que c’était un de mes cinéastes préférés ?) et quand il est mort du sida à 49 ans en 1999, McDowell écrivait le scénario de Beetlejuice 2 dont le tournage ciné vient tout juste de commencer en mai 2023 !
Bref, Blackwater c’est 1500 pages qui se lisent en moins de 24 heures (ça m’a pris 19 heures et 27 minutes très exactement, et je suis plutôt du genre tortue). Elles renferment des personnages attachants et énigmatiques, fascinants et ambigus, charismatiques et inquiétants, tout ça en même temps.
J’ai redécouvert le bonheur de suivre un groupe de personnages aux gré de leurs choix et des aléas, et je suis preuneuse d’une nouvelle saga de ce type, alors si vous avez des suggestions, lachez-vous !
Blacwkater c’est 9/10 pour moi
Premier obstacle pour 13 Effrois
Sur un quasi coup de tête, j’ai décidé d’arrêter de rêver et de passer à l’action. Je vais auto-publier ma toute première oeuvre littéraire.
Vous êtes sans doute là pour ça : connaître l’avancée de 13 Effrois, mon recueil de nouvelles.
Le 1er mai, Fred Marty s’est lancé dans l’édition de mes textes, un à un. Il lit, il repère les fautes, les incohérences, il fait des suggestions, et moi je les valide (ou pas). Lors de notre premier rendez-vous, il m’a affirmé être capable de relire ces 200 pages en 2 semaines. Eh bien, il a tenu les délais.
GÉ-NIAL ! Sauf que…
Une des 13 nouvelles est loin d’être prête.
C’est sûrement l’une des plus anciennes que j’ai écrite et elle a plusieurs problèmes. D’abord, elle manque de motif (pourquoi Gabriel se lance dans un jeu d’argent dangereux ?), en plus elle ne ferme pas toute les pistes explorées (pourquoi sa femme est-il si bizarre face au commissaire Vibero ?), et elle laisse un sentiment de frustration à la fin parce que la conclusion est à demi-satisfaisante (euh… c’est qui alors le coupable ?!?).
J’en ai discuté avec Fred. C’est fou, parce que je l’ai lue et relue cette histoire, sans jamais voir ce qui clochait alors que c’était criant comme un phare dans la nuit ! Il a mis le doigt dessus tout de suite et ça m’a ouvert les yeux.
Résultat, je dois réécrire Gabriel Dublais est mort à 75 %. C’est le jeu…
J’ai déjà une idée bien structurée de ce qui doit changer pour que cette nouvelle soit aussi bonne que les 12 autres 👌
Car oui, la bonne nouvelle dans tout ça, c’est que les autres textes sont fin prêts !
A quatre mains avec ChatGPT
Ma dernière réflexion concerne le mondialement connu ChatGPT.
Mais au lieu de vous parler d’automatisation, de productivité, ou de perte d’emploi (pas marrant), je vais aborder le sujet épineux de la légitimité d’un·e auteur·e qui aurait collaboré avec l’intelligence artificielle (IA) pour écrire une fiction.
A priori, la première réaction c’est de l’accuser d’hérétique et de le condamner au bûcher.
Mais n’y a-t-il pas une façon éthique d’utiliser ChatGPT ? Je crois que si, c’est ce que je vais tenter de vous expliquer.
ChatGPT est un outil puissant capable d’aider les auteur·es dans une certaine limite. J’ai déjà joué avec lui pour générer des idées de textes récréatifs ou surmonter un blocage créatif. C’était un peu comme discuter avec une amie ultra cultivée, au débit de réflexion et d’écriture plus rapide que la moyenne.
En gros, j’ai fait un brainstorming avec un robot.
Mais pour faire ça, il ne suffit pas de lui demander d’écrire une histoire. Il lui faut un contexte détaillé, et il est nécessaire d’être précis·e dans ce que l’on cherche à obtenir. Par exemple en lui décrivant l’ambiance recherchée, le lieu où se déroule l’action, le personnage qui parle et la fin vers laquelle on veut tendre.
Ca signifie que l’auteur·e reste maître de l’oeuvre, c’est le cerveau. L’IA ne fait que développer son imagination.
ChatGPT est alors un collaborateur, et non pas un créateur. Il ne se substitue pas à l’auteur·e. Vous pouvez toujours essayer d’en faire un auteur, mais vous vous rendrez vite compte que ce qu’écrit ChatGPT est soit insipide et dépourvu d’émotion, soit cliché et déjà vu. Personne n’a envie de lire ce genre d’histoire sans style et sans personnalité.
Une nouvelle horrifique qui commence par “Il était une fois” c’est déjà une blague en soi… L’utilisation abusive du participe présent et le rythme monotone des phrases et des paragraphes qui font toujours la même taille sont ennuyeux. Et ChatGPT a opté pour le “tell” plus que le “show”, résultat on ne sait pas qui sont les protagonistes et on ne peut pas vraiment se mettre à leur place parce tout est vu et décrit de l’extérieur (pas très effrayant). Il n’y pas de dialogue, non l’IA a rapporté les échanges dans la narration : “ils s’encourageaient mutuellement à continuer”.
Etc…
L'auteur qui travaille avec ChatGPT sélectionne et affine les idées de l’IA pour les intégrer ou non dans SON histoire.
Parce que ChatGPT n’est rien d’autre qu’un outil. Perso, je n’ai jamais entendu personne dire qu’un correcteur était un imposteur s’il utilisait Antitode pour corriger un roman, ou qu’un traducteur était un arnaqueur s’il utilisait Google Translate pour traduire un essai… Ces outils là sont pourtant des intelligences artificielles aussi, et il y en a bien d’autres.
Là où ça devient problématique, c’est quand un·e auteur·e s’approprie un contenu créé par l’IA. Ca remet en cause son intégrité s’il jure qu’iel est seul·e producteur·ice d’une chose qu’iel a pourtant co-construite. Comme si un scénariste s’appropriait le travail réalisé à deux sur un scenario. C’est malhonnête.
Comme pour tout, la transparence est essentielle.
Je pense pouvoir affirmer que l'utilisation de ChatGPT est un moyen légitime pour les auteur·es d'améliorer leur processus de création, quel que soit l’objectif : écrire une histoire, trouver un titre, trouver le ton d’écriture de son résumé ou trouver des idées de contenus pour les réseaux sociaux.
Et j’espère avoir dissipé tes craintes initiales à propos de l’IA dans l’écriture.
C’est tout pour ce premier papier noir.
On se retrouve dans deux semaines, même jour, même heure 🫡
Incroyable, j'étais justement en train de me dire qu'il fallait absolument que je lise Blackwater !
Et bien sûr, je partage totalement ton avis et l'utilisation que tu fais de ChatGPT. On va voir ce que l'avenir nous réserve au niveau de la loi...