The Substance, petit poisson dans la grande mare des Oscars ?
Le 2 mars aura lieu la cérémonie des Oscars, j'ai choisi d'en profiter pour te donner ENFIN mon avis sur The Substance, un coup de coeur 2024.
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue à Mafalda, Pauline et Catherine, dans l’enfer de cette 65e édition des Papiers Noirs à l’Encre Rouge.
Dans ces Papiers Noirs tu trouveras de quoi (re)découvrir des pépites littéraires et cinématographiques entre thriller, fantastique, horreur et science-fiction. Par le prisme de l’écriture, de la lecture et de l’actualité, c’est sang pour sang '“mauvais” genres.
Bonne lecture !
🔪En un coup de couteau
Les films d’horreur, boudés par les grosses récompenses ciné
The Substance, dans la course pour l’Oscar du “Meilleur Film”
Les films d’horreur et les récompenses prestigieuses, c’est une longue histoire de désamour.
Prenons la Rolls Royce des cérémonies de remise de prix pour en faire un petit tour : Les Oscars.
Depuis sa création aux Etats-Unis en 1929, des centaines de films - peut-être même des milliers - ont été nommés à la cérémonie des Oscars, à raison de 5 puis 10 films pour chacune des catégories. Peu d’entre eux ont été élus.
Parmi ces films, les productions horrifiques sont carrément boudées. Elles sont bien nommées, depuis le début ou presque, mais elles repartent rarement avec des prix et encore plus rarement avec le meilleur de tous, le prix du Meilleur Film.
Ce n’est pas compliqué, sur les plus de 550 films nommés dans la catégorie du Meilleur Film, à peine une dizaine considérés comme faisant parti du genre horrifique au sens large ont été nommés et un seul a reçu ce prix.
Réponse à la fin (ne triche pas).
J’en rajoute une couche, mais Titane de Julia Durcouneau est le seul film d’horreur a avoir reçu la Palme d’Or à Cannes depuis que la cérémonie existe. PIRE ! La Mostra de Venise n’a jamais donné son Lion d’Or à un film d’horreur.
Bref…
Si je te parle de ça, c’est parce qu’il se pourrait bien que l’Histoire change avec un film d’horreur “français” sorti en 2024 : The Substance
The Substance se fait vitrine du cinéma d’horreur
Je ne sais pas si tu seras d’accord avec ça, mais je sens comme un vent favorable pour la cinéma d’horreur depuis quelque années. Peut-être depuis la sortie explosive de Grave de Julia Ducourneau en 2017. Si ça te dit, un jour je t’en parle. J’ai ADORÉ ce film.
Résumé Justine, 16 ans, végétarienne, intègre une grande école vétérinaire. Lors de son bizutage, elle est forcée de manger de la viande pour la première fois. Les conséquences sont alors inattendues…
Mais revenons à The Subtance qui semble faire quasiment l’unanimité.
Notes du grand public :
SensCritique : 7/10
AlloCiné : 3,6/5
Rotten Tomatoes : 90%
C’est un film hypra rentable puisqu’avec un budget de 17,5 millions de dollars il en a généré 55,4 millions au box office.
Et - si tu ne l’as pas vu - je peux t’assurer que c’est un véritable film d’horreur. En réalité, il a été classé dans le sous-genre body horror et il a été interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis et aux moins de 18 ans au Royaume-Uni.
Il a remporté quelques prix dont :
Le prix du scénario à Cannes en 2024 où il a été ovationné pendant 13 minutes
3 prix pour le jeu d’acteur de Demi Moore
1 prix pour l’actrice Margaret Qualley
2 prix techniques du cinéma européen : photographie et effets visuels
Quand on met tout ces prix bout à bout, tout ce qui fait un film à l’air bon dans celui-ci.
Mais moi, qu’est-ce que j’en pense ?
Une œuvre aux multiples lectures
Synopsis
AVEZ-VOUS DÉJÀ RÊVÉ D’UNE MEILLEURE VERSION DE VOUS-MÊME ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : The Substance. ÇA A CHANGÉ MA VIE. Avec The Substance, vous pouvez générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite… Il suffit de partager le temps. Une semaine pour l’une, une semaine pour l’autre. Un équilibre parfait de sept jours. Facile n’est-ce pas ? Si vous respectez les instructions, qu’est ce qui pourrait mal tourner ?
Sans suspense aucun, j’ai vu The Substance le 18 novembre 2024 au cinéma et ce fut une grande claque.
The Substance est féministe
En regardant ce film, des thématiques largement actuelles et au cœur de l’industrie cinématographique te sauteront aux yeux : le patriarcat comme seule hiérarchie, le culte de la beauté via le male gaze, l’addiction comme échappatoire à une réalité qu’on ne supporte plus, etc.
Pour chacun de ces sujets, il y a une incarnation dégueulasse. Parce que ça reste du body horror !
Le patriarcat est campé par le producteur de l’émission dont il vire Elizabeth (protagoniste jouée par Demi Moore) et dont le prénom n’est autre que Harvey (dois-je préciser que c’est un clin d’oeil à Harvey Weinstein)
Le culte de la beauté résiste via la prise de la substance, les scènes frontales avec le miroir et la caméra qui colle sensuellement aux formes féminines des pratiquantes de l’aérobique dont Sue (jouée par Margaret Qualley)
L’addiction tantôt représentée par l’irrespect des règles, tantôt par la boulimie écœurante d’Elizabeth.
La réalisatrice, Caroline Fargeat, a complètement injecté ses propres peurs de cinéaste féminine et quadragénaire dans l’écran :
Je pensais que je ne pourrais plus être en mesure de plaire, d’être appréciée, aimée, remarquée, digne d’intérêt… À seulement 40 ans, on m’a poussée à croire que ma vie était finie. […] En allant jusqu’au bout de l’excès, je voudrais libérer le monstre qui est en moi. Ou plutôt, ce que la société m’a fait prendre pour un monstre : la part d’imperfection/de vieillissement/de changement qui fait partie de moi et que j’ai appris à cacher car, en tant que « femme », ce n’est pas comme cela qu’on est censé se comporter/réfléchir ni à cela qu’on est censé ressembler. Et c’est pour cette raison que j’ai imaginé cette histoire." (AlloCIné)
Elle avait déjà utilisé la force politique du cinéma de genre avec son premier long métrage Revenge, que j’ai aimé pour sa photographie et son excès, même si pour le coup le scenario était moins abouti et moins solide.
Dans The Substance, Elizabeth fait le choix de la beauté éternelle et se plie à la demande du public qui veut voir une star jeune et belle se trémousser à la télé. Mais c’est un pacte faustien qu’elle ne réussira pas à tenir et dont elle paiera le prix fort. La société fait d’elle un monstre, mais c’est elle qui s’auto-détruit.
The Substance est Queer
Le sujet de l’émancipation du corps, dans le sens où il est temps de le considérer comme une enveloppe et non plus un élément déterminant de notre personnalité, est à la fois une récurrente du féminisme et un thème queer.
Je m’explique !
Pour moi, The Substance raconte une transition physique pour une meilleure acceptation de soi. Si ça n’est pas féministe de céder aux dictâtes misogynes qui exigent des femmes qu’elles soient des bombes sexuelles et qui les jettent à 50 ans pour les remplacer par n’importe qu’elle nana à condition qu’elle soit bonne (je ne spoile pas, c’est le point de départ du film), c’est complètement queer de suivre sa voix intérieure nous hurlant « Cesse de te travestir et soi toi-même ! ».
Pour être plus claire, j’ai vu dans The Substance l'allégorie de la transition de genre.
Imagine qu’Elisabeth veuille changer d'enveloppe corporelle pour qu’enfin son esprit soit aligné avec son corps. Elle idolâtre son image future, elle la fantasme, la rêve : son autre elle, Sue. Et pour la devenir, on lui propose la fameuse substance (l'équivalent des hormones). Elle se l'injecte, jour après jour, dans le respect des dosages, et elle se voit petit à petit devenir elle, jusqu'à ce que cette nouvelle enveloppe prenne le dessus et tue la précédente (et son dead name). Mais aux yeux des autres, elle ne rentre dans aucune case. Elle n’est plus ni Elizabeth ni Sue. Ni homme, ni femme. En ayant transitionné, elle est devenue un monstre aux yeux de la société ! N’est-ce pas ainsi que sont encore traités les personnes trans ?
Voilà une autre interprétation possible que tu pourras valider ou non en (re)visionnant le film.
Un film à l’esthétique léchée
Dans ce film, les références au grand cinéma de genre vont bon train ! Démonstration forcée ou coup de génie ? De Shining (Kurbick, 1980) à 2001 : L'Odyssée de l'espace (Kubrick, 1968) en passant par Psychose (Hitchcock, 1960)… Je te laisse en constater quelques unes en vidéo :
Mais ce qui a marqué ma rétine et qui a entériné tout le fond du film, c’est bien la maîtrise de la réalisation, la qualité et la précision de la photographie et la mise en œuvre des effets spéciaux.
L’esthétique pop, la musique électro, l’outrance des couleurs brillantes de la salle d’aérobique de star face à la blancheur immaculée de la salle de bain d’une célibataire.
La bande-annonce suffira à te donner une idée de la puissance de ce film (malaisant, il faut le rappeler).
Le mot de la fin
Pour en revenir à mon introduction, sache que The Substance est le 7e film de l’Histoire a avoir été nominé dans la catégorie “Meilleur Film” des Oscars. Il a ses chances, même si en toute honnêteté j’ai bien peur que The Brutalist le remporte. Peut-être remportera-t-il à la place le César du meilleur film étranger vendredi 28 février (oui parce que même si la réalisatrice est française et que le film a été tourné en France, il a été financé aux USA et au Canada…).
La cérémonie des Oscars aura lieu le 2 mars, est-ce que tu vas regarder ?
Enfin, j’ai trouvé une analyse intéressante de The Substance sur la chaîne Youtube Thérapie Geek, si tu as vu le film et que tu veux aller plus loin.
Réponse au sondage
Au fait, c’est Le Silence des Agneaux qui a obtenu l’Oscar du Meilleur film en 1992. Et il obtient aussi l'Oscar du Meilleur réalisateur, du Meilleur acteur pour Anthony Hopkins, de la Meilleure actrice pour Jodie Foster et du Meilleur scénario adapté pour Ted Tally. C’est ce qu’on appelle dans le milieux : le "grand chelem".
J’espère que cette newsletter sur The Substance t’aura intéressé·e. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
Je n'ai pas vu ce film mais il a l'air vraiment bien ! Une belle revanche pour Demi Moore que tout le monde avait enterrée trop tôt.