Cassandra, la maison hantée connectée
J'ai vu Cassandra, la série Netflix qui matérialise notre peur de l'IA dans un thriller de rétro science fiction original, et je te donne envie de voir ça !
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue à plumedecume (c’est un pseudo hein) et Guillaume, dans l’enfer de cette 66e édition des Papiers Noirs à l’Encre Rouge.
Dans ces Papiers Noirs tu trouveras de quoi (re)découvrir des pépites littéraires et cinématographiques entre thriller, fantastique, horreur et science-fiction. Par le prisme de l’écriture, de la lecture et de l’actualité, c’est sang pour sang '“mauvais” genres.
Bonne lecture !
🔪En un coup de couteau
Les questions abordées dans la série Cassandra
Pourquoi tu devrais aimer cette série
Si je commençais cette édition par un sondage du genre “As-tu déjà vu un film de maison hantée ?”, je paris que 90 % des répondant·es cocheraient “Oui”. Et comme je suis plutôt littéraire que scientifique, on ne va pas vérifier cette hypothèse.
En vrai j’adore les stats, je te l’ai déjà dis dans l’édition n°55, mais c’est pas le propos.
Certain·es crient au cliché lorsqu’une famille débarque dans une nouvelle maison pour faire table rase du passé et « Oh bah merde, il se passe des trucs bizarres dans cette barraque isolée ». Peut-être en fais-tu partie.
Mais je tiens à rappeler qu’un cliché n’est pas nécessairement péjoratif en fiction. C’est parfois un repère, voire un incontournable du genre, un code à respecter pour qu’une œuvre soit reconnue et que les specteur·ices et lecteur·ices s’y retrouvent, s’identifient. Ce n’est pas qu’une question marketing, c’est ainsi que nait le contrat entre le·a créateur·ice et le·a destinataire·ice.
Dans une histoire de maison hantée, c’est systématique : une famille emménage dans la dite maison hantée. Sinon, il n’y a pas d’histoire, parce que pas de mystère à résoudre, pas de surprise.
A priori, on ne s’en lasse pas vraiment. Il n’y a qu’à jeter un oeil au TOP 100 des « meilleurs films de maison hantée » des utilisateur·ices de SensCritique, dont les films vont des années 40 à nos jours.
Cette liste n’est cependant pas fiable, étant donné que Ca et tous les Conjuring ou presque sont dedans alors que… What the Fuck, où se trouve la maison hantée dans ces histoires ?
Après tout ce temps, on est en droit d’en avoir marre et de vouloir du renouveau dans le genre de la “maison hantée”. C’est exactement ce que fait Cassandra, la série Netflix sortie en février 2025.
La maison hantée, prétexte pour questionner des sujets de société
La série Cassandra est la preuve que les codes horrifiques s’intègrent très bien à la science fiction.
Synopsis
Depuis la mort mystérieuse de ses propriétaires il y a plus de 50 ans, la plus ancienne maison intelligente d'Allemagne est inhabitée. Quand Samira y emménage avec sa famille, l'assistante virtuelle Cassandra se réveille d'un long sommeil. Inventée dans les années 70 pour servir une famille, puis inutilisée après la mort des habitants d'alors, Cassandra saute sur cette seconde chance. Cependant, elle se considère comme un membre du foyer à part entière. Et elle fera tout pour ne plus jamais être abandonnée à elle-même... avec tous les moyens dont elle dispose.
Dans Cassandra, si la maison est “hantée” ce n’est pas à cause d’un mauvais esprit, d’un fantôme, du Diable ou d’une malédiction. Non. C’est parce qu’elle est totalement contrôlée par une Intelligence Artificielle.
Si à l’heure actuelle, aucune maison ne répond aux commandes d’un ordinateur, certaines parties sont effectivement aux mains de programmes informatiques (nos radiateurs et chauffes-eau connectés par exemple) et de commandes vocales (nos enceintes et télés).
Cassandra pousse le vice plus loin. Le robot a la main sur tout le réseau électrisé de la maison, ce qui inclus l’électroménager et l’électronique branché au courant.
Pourquoi une maison connectée ? Eh bien pour nous faciliter la vie, enfin ! nous qui vivons à 300 à l’heure. Mais gare au dérives…
Relations familiales bancales
« Tu voulais te remettre au vert pour qu’on retrouve le calme, qu’on revienne à l’essentiel, en famille » David Prill
Mauvaise pioche.
La famille emménage dans cette maison intelligente après un drame qui a particulièrement ébranlé Juno, la cadette, et Samira, la maman : la perte d’un proche dans des conditions tragiques et horrifiantes.
La petite fait des cauchemars, la maman est bouleversée voire déprimée. Forcément, la famille est déséquilibrée donc pour repartir à zéro, elle quitte la ville et s’installe à la campagne, loin de tout ça.
Sauf que… Cassandra, l’intelligence artificielle, est installée PARTOUT dans la maison. Dans chaque pièce il y a un écran qui lui permet de voir et un micro qui lui permet d’écouter. Elle peut aussi parler. Jusque dans la douche et les toilettes !
Ca veut dire qu’aucune intimité n’est possible. Encore que, je m’en fous qu’un écran mate mon derrière… Cassandra n’est pas capable de faire une photo pour l’envoyer sur le net, heureusement (elle a été créée avant internet, rappelle-toi). Sauf qu’elle remplit sa base de données avec tout ce qu’elle voit et ce qu’elle entend et elle fait des petits calculs avec tout ça.
Vois-tu le problème ? Elle est à même de dévoiler des secrets, de briser les non-dits, d’insinuer des mensonges aussi. Bref, Cassandra est une manipulatrice en puissance qui va profiter d’un couple battant de l’aile, d’une fillette en manque d’attention et d’un ado faisant face à ses problématiques d’orientation sexuelle.
Troubles mentaux
Dans les préoccupations actuelles de la société occidentale, il y a les troubles et maladies psychologiques. La série est remplie de personnages tourmentés :
Samira est paranoïaque
La sœur de Samira a des tendances bipolaires et suicidaires
Juno est en prise à de terribles cauchemars
David se verra (artificiellement à mon sens) changer de comportement au cours de la série
Il est question d’appuyer sur les points sensibles. Les troubles mentaux sont incompris, souvent méprisés. Ils peuvent être héréditaires, mais ils peuvent aussi être la résultante de traumatismes. Enfin, ils sont parfois fatals.
Et l’IA n’est pour rien dans tout ça…
Progrès technologiques dangereux
Parce que contrairement à un robot capable de s’émanciper de sa condition algorithmique en prenant conscience de lui-même, Cassandra me semble être un programme qui s’exécute comme un humain lui a demandé de le faire.
Et c’est là qu’il y a erreur. Car si un robot ne fait que ce qu’on lui demande, encore faut-il qu’on ne lui demande pas, ou qu’on ne lui autorise pas, n’importe quoi. Or, tu sais comme moi que l’informatique est fait de bugs système. Et pour limiter ces bugs, il faut faire des test, corriger, itérer, etc. Or, Cassandra est le fruit d’un travail de recherches non-abouties.
« Confier tous les aspects de notre vie à un ordinateur géant, c’est le truc le plus intelligent qu’on ait fait. » Homer Simpson
Je site les Simpson, d’abord parce que j’adore cette série animée, mais surtout parce qu’en voyant Cassandra je me suis dit « Mais j’ai vu un épisode des Simpson dans lequel leur maison est intelligente ! ». Après quelque recherches, j’ai trouvé l’épisode en question : Le Robot tueur, 2e segment de l’épisode Simpson Horror Show XII dans la saison 3 (diffusé en 2002 en France).
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Extrait de l’épisode des Simpson.
Cassandra fait ce qu’on lui a demandé de faire. Elle fait le ménage, la cuisine et veille au bien-être des habitants de la maison, comme une mère et une épouse devrait le faire. C’est ainsi qu’elle a été programmée…
Cassandra vaut-elle le coup ?
C’est Benjamin Gutsche, cinéaste allemand de 38 ans, qui a scénarisé et réalisé cette série. Il est connu pour avoir fait son coming-out et revendiquer la diversité sous toutes ses formes dans son travail. A ma connaissance, il n’a commis que deux autres oeuvres : un court-métrage de “mauvais” genre Zombriella (2016) et une série dramatique All You Need (2021).
Sache que cet homme à un certain sens de la narration et du cadre.
Si un mixe entre Black Mirror et Shining te tente, tu devrais aimer Cassandra.
Ambiance de thriller réussie
Dès le prologue, le ton est donné. Un homme est au volant d’une “vieille” voiture et sur une route paumée dans les bois, il découvre avec stupéfaction une scène d’accident de circulation. Plusieurs morts. Mais une survivante, un bébé dans les bras, lui demande de l’aide en désignant d’un doigt tremblant le robot anthropomorphe qui lui fout la trouille.
Ca dure moins de 5 minutes et ça dit au moins deux choses :
Le robot est l’antagoniste de l’histoire
C’est un thriller avec suspens, frisson et mystère
Attention tout de même, si tu te lances dans le visionnage après avoir lu ma chronique, sache qu’il faudra te montrer patient·e au cours des deux premiers épisodes. Ce ne sont pas les plus passionnants. En fait, ils s’acharnent à planter un décor, un contexte, et à faire monter la mayonnaise façon maison hantée classique : un membre de la famille est témoin de choses étranges et lorsqu’il veut avertir les autres, il se mange un mur.
Mais je t’assure que la suite est bien plus originale et prenante. A dire vrai, je l’ai trouvée trash et tragique.
Parce que Cassandra contient une double narration dans laquelle la temporalité joue un rôle primordial.
Décors rétro-SF
« Ta mère voulait une maison qui ait une âme, c’était son seul critère » David Prill
Ce que je préfère dans Cassandra, ce sont les flashback.
Il se trouve que la série nous donne un aperçu de la vie des Prill, mais aussi d’une autre famille ayant vécu dans la même maison cinquante ans auparavant. Et c’est ce qui fait tout le sel de cette histoire.
Quand les Prill emménagent, ils évoluent dans un décors des années 70 ; Cassandra leur chante une vielle chanson allemande pour les tirer de leur lit (je t’ai mis un lien Youtube) ; les écrans, les meubles, le robot ont le design d’une autre époque.
Bref… C’est ce qu’on appelle de la rétro-SF, un genre qui met en image une vision du futur tel qu'il était imaginé juste après le progrès technologique bondissant de l'après-guerre avec les 30 glorieuses et la course à la Lune du monde occidental.
Ca construit un malaise à la manière des plans de Cassandra en contre-plongée. Et la pièce la plus représentative de ce mélange temporel, c’est le bar caché au sous-sol dont le tapis est un clin d’oeil évident au Shining de Kubrick.
Bon, et ça créer aussi quelques anachronismes grossiers qu’on pardonne, comme le fait que Cassandra appelle le 911 alors qu’elle n’a pas cette information puisque le service téléphonique a été mis en place 30 ans après sa création.
Maternité toxique
Cette double temporalité permet de traiter un des sujets de fonds de la série : le relation maman-enfants.
Elle le fait à travers la famille des année 70’s dont la femme est mère au foyer, cantonnée aux taches ménagères ingrates, victime de son mari adultère et seule responsable de l’éducation des enfants. Puis elle e fait via Samira, artiste, mais aussi consciencieuse, bienveillante et protectrice envers ses enfants et notamment Juno.
Toutes les deux feront tout pour le bien de leur progéniture. Elles ne vivent pas à la même époque et pourtant elles doivent faire face à des problématiques et obstacles similaires liés à la condition et la perception de la femme qui n’a pas tellement évolué…
C’est ce qui rend les personnages féminins de cette série très attachants. En tout cas, moi j’ai ressenti de la sympathie, de la pitié aussi, et de la colère pour et avec ces femmes.
Avant de partir, dis-moi.
Tu peux détailler ta réponse en commentaire, si tu veux. Par exemple, dis-moi ce qui t’intrigue le plus dans cette série ou bien ce qui te rebute carrément.
Tes cadeaux pour te remercier de partager “Les Papiers Noirs à l’Encre Rouge”
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A mercredi prochain 👋
Je l’ai vue passer sur l’écran d’accueil de Netflix. Oui ça me donne envie de regarder ! Merci pour cette suggestion.