Freak out! Le Freak c'est chic đ¶
J'ai entiÚrement revu la saison 4 de la série American Horror Story : Freak Show, et mon avis à son sujet a totalement changé. Voyons ensemble qui est un monstre et qui ne l'est pas...
Chair lecteur·ice đ
Nous sommes 100 dans la petite communautĂ© de mauvais genre des Papiers Noirs Ă lâEncre Rouge ! Souhaitons la bienvenue Ă Ouranide, LĂ©a et Madeline, dans lâenfer de cette 70e Ă©dition.
Dans ces Papiers Noirs tu trouveras de quoi (re)dĂ©couvrir des pĂ©pites littĂ©raires et cinĂ©matographiques entre thriller, fantastique, horreur et science-fiction. Par le prisme de lâĂ©criture, de la lecture et de lâactualitĂ©, câest sang pour sang 'âmauvaisâ genres.
Bonne lecture !
đȘEn un coup de couteau
Recontextualisation du terme âfreakâ, sujet du jour
Analyse de la saison 4 dâAmerican Horror Story : Freak Show Ă travers notre perception des monstres et la rĂ©alitĂ©
Freak dĂ©signe en anglais ce quâon appelle âmonstre humainâ en français, soit, au sens premier, toute personne atteinte de malformation congĂ©nitale.
Des femmes dotĂ©es dâune pilositĂ© hors-norme, des personne atteintes de nanisme, des gens avec un/des organe(s) ou un/des membre(s) supplĂ©mentaire(s), une maladie mentale, etc.
Tout ce qui semble relever de lâinhabituel, on lui colle une Ă©tiquette de âFreakâ et on en fait un phĂ©nomĂšne de foire, ce Ă quoi consent le monstre humain, nâayant dâautre choix pour vivre que dâexploiter sa diffĂ©rente monstruositĂ©.
MĂȘme si les freak show ont Ă©tĂ© interdits au XIXe siĂšcle en Europe, ce nâest pas le cas aux Ătats-Unis.
Ainsi, la saison quatre dâAmerican Horror Story se dĂ©roule en Floride, dans les annĂ©es 50. Câest sans doute la saison qui flirte le plus avec lâhorrifiante rĂ©alitĂ©. Et câest le sujet de cette Ă©dition.
Letâs talk about it !
La fabrique des monstres
Dans lâĂ©dition n°47, âLes tueurs en sĂ©rie sont-ils des monstres ?â, jâai abordĂ© en partie le sujet de la monstruositĂ© quâon prĂȘte aux tueurs et tueuses en sĂ©rie pour en dĂ©construire le vocabulaire mal choisi.
AprĂšs avoir revu lâintĂ©gralitĂ© de Freak Show, la saison 4 dâAmerican Horror Story, je me suis rendue compte de sa qualitĂ©, quand bien mĂȘme je nâavais pas accrochĂ© au premier visionnage il y a 8 ans. Comme quoi, on nâen finit pas de m(o)urir !
Mon top 3 des saisons de American Horror Story - dont je parle dans lâĂ©dition du 22 novembre 2023 - est probablement en train de changerâŠ
Freak Show, résumé sans spoile
En 1952, une troupe de saltimbanques arrive en ville, coĂŻncidant avec l'arrivĂ©e d'un ĂȘtre malĂ©fique, menaçant les vies des habitants. Les artistes tenteront de survivre dans le monde du carnaval amĂ©ricain en pleine perdition face Ă lâessor de la tĂ©lĂ©vision.
Ăvidemment, dans une sĂ©rie de 13 Ă©pisodes on compte beaucoup dâintrigues et une grande quantitĂ© de personnages, notamment :
LâarrivĂ©e dâun nouveau freak dans la compagnie : Bette et Dot les sĆurs siamoises
Les meurtres dâun clown terrifiant qui met le freak show dans le viseur de la police
La lubie dâun Dandy pourri gĂątĂ© en quĂȘte dâun sens Ă sa vie ennuyeuse de riche hĂ©ritier
Mais la ligne directrice de cette saison horrifique, câest la mise Ă lâĂ©preuve de notre perception de la diffĂ©rence.
Laisse-moi te décortiquer comme la série joue avec notre perception à travers ses personnages.
On commence par nous pointer du doigt ceux que lâon doit affubler du terme âmonstreâ.
A partir de lĂ je vais allĂšgrement spoiler donc si tu ne veux pas te faire gĂącher la surprise, tu reviendras quand tu auras vu les 13 Ă©pisodes đ
Les monstres quâon a créé
« They want to call us monsters? Fine, weâll act like monsters. » Jimmy
De la mĂȘme façon quâon a traitĂ© les LGBTQIA+ de queer fut un temps, pour ĂȘtre des bizarrerie hors-normes, queer qui ont finit par reprendre cette insulte et en faire une fiertĂ©, les freaks sont devenus des phĂ©nomĂšnes pour lesquels on a dĂ©pensĂ© de lâargent et dĂ©diĂ© du temps dans les freaks show.
Suivant le point de vue, ces monstres nâen sont plus.
Jimmy, lâhomme-homard
En rebelle, il dĂ©fend la rĂ©putation de ses semblables et se montre capable dâintĂ©grer la sociĂ©tĂ©. Il cache ses pinces dans des gants et se fait prince charmant avec la gente fĂ©minine, parce quâil croit en la possibilitĂ© de vivre parmi les autres. Câest son rĂȘve Ă lui !
Mais ses mains provoquent le dégoût en dehors du freak show. Enfin, sauf sous couvert du secret : certaines femmes en tirent profit. Jimmy se prostitue, il utilise ses pinces pour donner du plaisir sexuel à des ménagÚres qui le cachent à leur mari et au reste du monde.
Cachez ses monstrueuses mains que je ne saurais voir⊠sous ma jupe.
Câest toute lâironie qui donne la rage. On veut bien de vous les monstres (dâailleurs Jimmy est un des personnages que les femmes se disputent le plus dans le rĂ©cit), mais on ne lâassume pas parce que ça nous mettrait en danger.
Malheureusement, Jimmy est un sanguin. « Donât call us Freak! » hurle-t-il sur un policier accusant les sĆurs siamoises dâavoir tuĂ© leur propre mĂšre. Il sâĂ©nerve et tue lâofficier. Point.
Twisty le clown tueur
Cet homme est le monstre que la société a construit.
Autrefois un clown apprĂ©ciĂ© des enfants, il devient paria Ă la suite d'une rumeur qui le fait passer, Ă tort, pour un violeur. Dans sa dĂ©pression, dont personne ne lâaide Ă sortir, il essai de se suicider. Et comme ce nâest pas assez triste comme ça, au lieu dây parvenir, la balle de son arme Ă feu ne le tue pas mais dĂ©forme sa mĂąchoire, lui donnant une allure monstrueuse.
Puisque ni les vivants ni la mort ne veulent de lui, il dĂ©cide de donner vie Ă ce quâon a imaginĂ© de luiâŠ
Paul, lâhomme-phoque
Paul a une belle gueule, il aurait fait tomber les dames. Mais il est nĂ© avec des bras difformes. A la fois beau et monstrueux, Elsa, la directrice du Freak Show, qui se croit au-dessus des autres, cache la relation intime quâelle entretient avec lui sous prĂ©texte quâil nâest pas normal. Elle le traite comme un objet sexuel et nâassume pas dâĂȘtre avec un tel monstre. Dans le mĂȘme temps, elle lâempĂȘche de vivre une idylle avec une autre femme par possessivitĂ©. Alors quâil a une chance de vivre une histoire dâamour, ce qui nâest clairement pas donnĂ© Ă tous les âfreaksâ, elle le poignarde littĂ©ralement probablement aussi par jalousie car Elsa est seule.
Pepper, la femme microcéphale
Elle est nĂ©e avec un trouble grave du neurodĂ©veloppement, visible Ă la forme de sa boite crĂąnienne sous-dĂ©veloppĂ©e et qui se traduit notamment par un dĂ©ficit cognitif. Autrement dit, elle souffre dâun handicap mental visible.
Mal vue, difficile Ă assumer et Ă Ă©lever Ă lâĂ©poque, sans doute, elle est abandonnĂ©e par ses parents dans un orphelinat oĂč elle est vouĂ©e Ă demeurer pour toujours puisque personne ne veut dâelle.
VouĂ©e Ă ĂȘtre jugĂ©e sur son apparence, on fait dâelle une bĂȘte de foire puis une meurtriĂšre. Sous prĂ©texte quâelle Ă la maturitĂ© dâun enfant de cinq ans Ă peine douĂ© de parole, on lui fait porter le chapeau des pires atrocitĂ©s : dâorphelinat au freak show jusquâĂ lâasile psychiatrique, on lâisole loin des gens ânormauxâ par volontĂ© de sĂ©curitĂ©, quand bien mĂȘme il sâagit dâune enfant naĂŻve et inoffensive dans le corps dĂ©formĂ© dâune adulte.
Dell, lâhomme fort
A le regarder, Dell est un homme banal. MusclĂ©, certes. Mais lâanormalitĂ© quâil cache est double.
Dâabord, il est gay, mais seulement en cachette. Pour la façade il se fait viril et entretien lâimage dâun couple hĂ©tĂ©ro (ce qui est ironique puisque sa compagne est hermaphrodite et possĂšde trois seins et un clitoris si gros quâil ressemble Ă un pĂ©nis), au point dâaccepter dâavoir des enfants. Mais en secret, il souhaite la compagnie dâun homme et en cĂŽtoie dans les bar de nuit. Traitez-le de tapette et il vous dĂ©truira le nez.
Ensuite, son plus grand malheur est dâĂȘtre nĂ© ânormalâ dans le clan des homards, une famille oĂč tout le monde a hĂ©ritĂ© du gĂȘne des mains en forme de pinces, sauf lui. Ainsi, il rejette Jimmy, son fils, parce quâil le renvoi malgrĂ© lui Ă une Ă©poque oĂč il Ă©tait exclu, moquĂ©.
As-tu compris oĂč je voulais en venir avec ces exemples parlants ? La norme est une question civilisationnelle. Du mĂȘme ordre que la beautĂ©, subjective, en fonction du point de vue, la norme Ă©volue.
Les véritables monstres
« Let me tell you this, pretty boy. You may look like a motion picture dream, but you are the biggest freak of them all » Desiree à Dandy.
Dans le récit de Freak Show, les vraies monstres sont ceux qui se cachent derriÚre un physique trompeur.
Dandy, le tueur en série
Il est jeune, beau, riche et vif.
Mais Dandy est le fruit de lâinceste. Psychopathe en puissance, Ă©goĂŻste au possible, capricieux comme un enfant, il se fait tueur en sĂ©rie.
Et puisquâil nâappartient ni au monde ânormalâ dont il est coupĂ© par sa mĂšre surprotectrice, ni au monde des âfreaksâ dâoĂč il est rejetĂ© aprĂšs avoir demandĂ© Ă faire partie de la troupe, il est le celui Ă qui le mot âmonstreâ colle le mieux.
Dandy nâa pas Ă©tĂ© fabriquĂ© par la sociĂ©tĂ©. Enfant, il avait dĂ©jĂ une vision erronĂ©e du bien et du mal. Sa sensibilitĂ© Ă la violence est loin dâĂȘtre normale, justement. Au point oĂč, il le dit lui-mĂȘme, il nâest pas fait pour ressentir de lâamour, car Ă la moindre contrariĂ©tĂ©, il sĂšme lâhorreur sur son passage.
Elsa, la dictatrice des sentiments
Si Dandy joue de sa beautĂ© pour sâintĂ©grer Ă la sociĂ©tĂ©, Elsa manie plutĂŽt les mots et les promesses.
DerriĂšre la sauveuse, la crĂ©atrice dâun refuge pour les rejets de la sociĂ©tĂ©, elle est un monstre dâĂ©goĂŻsme qui ne court quâaprĂšs la gloire. Ce nâest pas par charitĂ© quâelle accueille les monstres dans son show - sans leur avouer dâailleurs quâelle mĂȘme a dĂ» se sĂ©parer de ses jambes aprĂšs avoir Ă©tĂ© dupĂ©e par des nazis. Elle est prĂȘte Ă sacrifier, voire tuer des proches pour gagner une place Ă Hollywood.
Câest ainsi que les personnages quâon nous prĂ©sente comme des monstres au dĂ©but de la sĂ©rie nous paraissent les plus humains de tous Ă la fin.
Le coup de maĂźtre de la mise en scĂšne et du scĂ©nario, câest de renverser ce quâon prenait pour une vĂ©ritĂ© en faisant appel Ă notre empathie. Freak Show a beau ĂȘtre lĂ moins empreinte de fantastique des saisons dâAmerican Horror Story, elle nâen est pas moins trash et effrayante tant elle rĂ©vĂšle les noires facettes de lâhumanitĂ© au point de gĂ©nĂ©rer quelques larmesâŠ
Avant de partir, jâai une question pour toi.
Si tu as rĂ©pondu par la positive, tu peux dĂ©tailler ta rĂ©ponse en commentaire en prĂ©cisant la saison qui tâintĂ©resse. Si tu as rĂ©pondu par la nĂ©gative, peut-ĂȘtre as-tu une autre sĂ©rie horrifique Ă me recommander ? Je te lis !
Tes cadeaux pour te remercier de partager âLes Papiers Noirs Ă lâEncre Rougeâ
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A mercredi prochain đ
L'une des mes saisons prĂ©fĂ©rĂ©es mais la premiĂšre reste l'hĂŽpital psychiatrique đ.