J'ai vu ce film d'horreur multi-primé et j'ai rien compris
Oui, c'est un titre un peu "pute à clic" pour t'attirer dans mes filets. Aujourd'hui je te parle en détail du premier film de Jaume Balagueró, un cinéaste d'horreur espagnol.
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue à Andreanne et Searabbit, dans l’enfer de cette 81e édition des Papiers Noirs à l’Encre Rouge.
Dans ces Papiers Noirs tu trouveras de quoi (re)découvrir des pépites littéraires et cinématographiques entre thriller, fantastique, horreur et science-fiction. Par le prisme de l’écriture, de la lecture et de l’actualité, c’est sang pour sang '“mauvais” genres.
Bonne lecture !
🔪En un coup de couteau
Rapide zoom sur la filmographique de l’espagnol Jaume Balagueró
Chronique détaillée sur son premier film : La Secte sans nom.
Sans le savoir, tu connais le cinéma de Balagueró
Jaume Balagueró est un nom qui ne te dit rien ? J’ai l’honneur de te le présenter, lui et sa filmographie de très “mauvais” genre.
Ce réalisateur est à l’origine de 11 long-métrages et La Secte sans nom en est le premier de la liste, sorti en 1999 alors qu’il avait 32 ans.
Mais c’est surtout l’un des deux humains derrière la saga de found footage espagnole la plus célèbre - un de mes premiers kiff horrifiques adolescent : REC.
Et je viens de le découvrir, la semaine dernière, en faisant mes recherches.
Dans le même temps, grâce à SensCritique, j’ai aussi découvert que j’avais visionné 7 films réalisés par ce monsieur. Et pour la plupart, hormis les deux premiers REC en fait, il n’ont laissé chez moi quasiment aucune trace…
Pourtant, Balagueró a :
une pate esthétique qui lui est propre
un sens aigüe des images qui dérangent
reçu 20 nominations et gagné 11 récompenses dont 3 prix au Festival Gérardmer
Mais je crois, peut-être, que je ne comprends pas son cinéma… Alors oui, j’ai trouvé du positif dans sa filmographie.
REC était dans les années 2000 un ovni du genre. Il a pris le paris de mixer caméra embarquée, faux reportage et zombie. Et c’est aujourd’hui un film capable d’exacerber nos peurs face aux récentes épidémies dévastatrices.
Malveillance est un thriller horrifique en phase avec notre appétence malsaine pour les tueurs en série à la Jeffrey Damer, les hommes bien sous tout rapport jusqu’à ce qu’on se retrouve enfermée avec lui. On y retrouve l’intérêt qu’à le réalisateur à placer ses personnages dans un environnement à la fois vaste et clos : un immeuble.
La Secte sans nom
Il est temps d’entrer dans le vif du sujet : le premier long-métrage de Balagueró.
The Nameless, l’œuvre d’origine
Jamais vous ne connaîtrez le nom de vos geôliers. Vous ne serez plus rien. Rien qu'une victime. Et personne ne vous entendra hurler. Le corps sauvagement mutilé d'une enfant est retrouvé dans les bois. Neuf ans plus tard, Barbara, en se plongeant dans une activité fébrile, a presque réussi à se remettre du meurtre et du kidnapping de sa fille. Jusqu'à ce qu'une petite voix lui dise au téléphone : "Maman, maman, j'ai besoin de toi...". Son enfant est vivante, prisonnière d'une secte sinistre, se livrant à des rites sataniques, innommables. Affolée, Barbara essaie de retrouver la trace de la secte. Les adeptes l'attendent...
Tu viens de lire la 4e de couverture de The Nameless écrit par Ramsey Campbell en 1981, le Stephen King britannique (si j’en crois la jaquette de mon DVD).
Qui est cet auteur ? Sans le savoir, je l’ai déjà lu ! C’était dans l’anthologie Noire comme l’amour (1998), la première œuvre - au titre évocateur réunissant ce que je préfère au monde - que j’ai chroniquée sur mon compte Instagram lancé l’été 2020.
J’ai relu sa nouvelle Le bout du tunnel (Going under en anglais) pour l’occasion, histoire de me remémorer son style. Et tu sais quoi ?
La Secte sans nom (ou Los sin nombre en espagnol) est une adaptation de The Nameless, donc. Tu suis ?
Los sin nombre, un film raté ?
Première chose à savoir : ce film a reçu 15 prix en plus de 4 nominations sans prix.
Seconde chose à savoir : ce film a été plutôt bien reçu par la critique, et un peu moins bien par le public.
Note :
Allo Ciné : 2,4/5 spectateurices / 3,5/5 presse
SensCritique : 5,9/10
Je ne remets pas en cause son succès, il a existé. Il ne faut pas oublier que je découvre ce film plus de 25 ans après sa sortie, ce qui est non-négligeable.
Une fois qu’on a dit ça, je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère pour autant. Toi qui me lis, tu sais que je suis capable d’encenser des œuvres, mais tu sais aussi que mon style et ma ligne éditoriale sont motorisés par l’honnêteté.
Je n’ai pas aimé La Secte sans nom. Pire, je n’ai rien compris. En tout cas au premier visionnage.
La seule chose marquante - pas nécessairement positive - que je tire de ce visionnage c’est son montage visuel et sonore particulièrement irritant.
Le prologue pute à clic
Ca commence avec la scène de crime. Scie, éclairage qui grésille, pluie, claquement de portière, visions d’images qui sautent, gros plans… Deux flics s’entretiennent. L’un prévient l’autre que ça n’est pas beau à voir, qu’il faut “un sacré estomac”. Il doit carrément enfiler un masque parce qu’”il y a plein de merde partout”. Des poncifs du thriller en somme. On s’attend à du gore, du crade.
Et franchement ça l’est : le cadavre de la petite fille retrouvée plongée dans un puit d’acide est boursouflé, violacé et parsemé de lésions. Même si la vision d’horreur dure quelques dizaines de secondes, elle marque les spectateur·ices pour tout le reste du film.
C’est tellement… hideux qu’on espère sincèrement que les parents de cette fillette n’auront pas à la voir dans cet état, qu’on ne leur fera pas l’affront de devoir identifier un corps n’ayant probablement plus aucun rapport avec la chair de leur chair.
Avec tout ça, ce que j’attends de la suite du scénario ce sont des réponses :
Qui est coupable de ce crime rituel ?
Pourquoi avoir commis ce crime, dans quel but ?
C’est d’autant plus légitime quand le titre du film donne déjà une piste à ce propos. Ce serait une secte la responsable. Mais pourquoi, bon sang ?
La lenteur du scénario au service de la dépression
5 ans plus tard, Claudia, la maman de la défunte, est toujours au fond du trou. Elle est désormais divorcée de son mari de l’époque. Molle au travail, tête en l’air, elle prend son après-midi, mais elle mate en boucle des vidéos de sa fille. Elle pose même un lapin à ses collègues le lendemain en oubliant d’aller bosser. Bref, elle est en dépression.
Et justement, ce matin-là elle reçoit un appel de sa fille dont l’affaire de meurtre a été classée.
Voilà l’élément déclencheur !
Claudia n’était pas prête de faire son deuil, mais puisque sa fille est peut-être encore en vie finalement… Ca rebat les cartes de sa vie.
Ce sont donc plus de 30 longues et mornes minutes qui s’acharnent à nous montrer (et non nous dire, c’est déjà ça) à quel point elle est dans le mal. Ce qui ne m’empêche pas de m’en battre les cacahuètes.
Peut-être parce que les autres personnages sont des satellites. Iels n’ont ni nom, ni personnalité. Quand iels ont un nom on ne sait rien d’elleux, iels popent de nulle part pour être utiles à un moment du scénario qui le nécessite :
Un ancien petit ami lourd, jaloux et masculiniste qui permettra ç un membre de la secte d’entrée chez Claudia.
Une none qui donne une adresse à l’ancien flic pour mener son enquête
Un ancien ami universitaire calé en théologie et en sectes
Un journaliste qu’a l’habitude de photographier des vierges qui pleurent
C’est peut-être aussi à cause de…
L’artificialité de la peur
Si la bande-son est réussie, à l’instar du Soundtrack composé par Carles Cases, La Secte sans nom est un collage de style. Dans le thème on a du piano rythmé, des violons lancinant, des tambours militaires…
Au court du métrage, un grand nombre d’inserts presque subliminaux, avec un son qui grésille, des flash de lumière, des rires d’enfants… Au cinéma ça a dû être un coup à faire une crise d’épilepsie !
Le problème de cette expérimentation, c’est qu’elle est purement technique ! On dirait presqu’elle est là pour faire jolie. Ca ne sert pas le scenario, ça ne sert pas d’indice. C’est juste là pour laisser infuser davantage de peur (encore une fois artificielle) chez nous.
Que prépare la secte ?
“On peut isoler le mal de manière scientifique. […] La pratique de l’horreur comme méthode purificatoire. Le sacrement de l’atrocité finale. […] Ce serait un peu comme la synthèse du mal absolu. Un acte de barbarie monstrueux grâce auquel l’âme accéderait à un niveau supérieur de conscience. […] Une formule de sainteté différente. Au bout du compte tout est semblable. Les extrêmes finissent par se rejoindre.”
A 1h13 du film, on ne sait toujours pas pourquoi une fille a fini dans l’acide, si la fille de Claudia est toujours en vie et, si elle est entre les mains de la secte, pourquoi elle l’est.
En revanche, on sent que le réalisateur veut rapprocher Claudia et l’ex-flic qui l’aide dans cette enquête. Mais clairement, à ce stade, on en a rien à foutre d’une potentielle romance. On veut juste des réponses, des noms, des visages…
Au lieu de ça, on a une scène d’une lenteur extrême pour faire durer le suspens à l’endroit même où on est censé atteindre le climax. Et à l’intérieur de cette scène il y a un dialogue lunaire dans lequel le flic traite Claudia d’histérique. Mec, elle est simplement dans tous ses états parce que putain, ca fait plus de cinq ans qu’elle croit qu’Angela est morte parce que t’as mal fait ton taff à l’époque, et que maintenant elle probablement entre les mains de violeurs capables de torturer des enfants. Il faudrait qu’elle soit calme ?!?!
Désolée, je me suis emportée.
“Claudia, calme-toi ! Tu as vu comme tu es ? Tu es hystérique”
Le type joue au héros sauveur, paternaliste sur les bords, et tout ça pour quoi ?
Finalement, le “climax” commence à 1h22, soit 10 minutes avant la fin que je ne spoilerai évidemment pas. Malheureusement, il est persécuté par une scène explicative qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Le film devient conscient de lui-même et nous révèle toutes ses ficelles avec arrogance : « Regarde comme je suis intelligent, j’avais mis des indices partout. Mais comme tu ne les as pas vu, je vais te les lister ! »
Le genre de fin que je déteste.
Finalement, je crois que j’ai compris le film. Mais, je ne l’aime toujours pas.
Je pense que c’est lié aux choix d’adaptation. Le roman de Ramsey Campbell devait être dense. L’équipe a coupé dans ce qu’elle pensait être du gras, mais visiblement elle a coupé des membres aussi, peut-être même un ou deux organes vitaux, ce qui rend le film incomplet.
Au premier visionnage, j’ai cru que le film n’avait aucun message à transmettre et je trouvais ça vraiment étrange pour une telle œuvre, même si Balagueró a soustrait le fantastique à l’histoire pour en faire un thriller horrifique.
Au second visionnage (en accéléré, tout de même), j’avais la tête à l’analyse et non plus au plaisir de la découverte. J’ai alors compris que La Secte sans nom raconte avant tout la souffrance ultime engendrée par l’amour. Perdre l’être qui nous est le plus cher est sans doute le pire mal qui puisse nous arriver.
Après tout ça, si tu veux voir le film et te faire ton propre avis (et même en parler avec moi), sache que j’ai mis le DVD en vente sur mon compte Vinted.
Avant de partir, j’ai une question pour toi.
En fonction des réponses, peut-être bien que je dédierai une édition à la saga REC. Surtout, si tu veux m’en dire plus sur ton rapport à cette saga horrifique et/ou au cinéma de Balagueró, je te lirais et te répondrais avec plaisir dans les commentaires.
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