Les femmes écrivent aussi les ténèbres, alors lisons-les !
Disparité de salaire, invisibilisation dans les médias, critique stéréotypée, les autrices françaises écrivent bien de l'horreur et du fantastique sombre, mais on les connaît trop peu. On y remédie !
Salut, chair lecteur·ice 😈
Aujourd’hui, je te parle exclusivement de littérature (de “mauvais” genres évidemment) dans les Papiers Noirs à l’Encre Rouge.
Mais avant de commencer, je te rappelle que la semaine dernière je t’ai demandé si le sujet de fond et de réflexion sur la différence entre les sous-genre “épouvante” et “horreur” t’avait plu.
Et puisque oui, ça a plu, je compte bien réitérer. Si tu veux me suggérer un sujet à creuser, je t’en prie, fais-toi plaisir dans les commentaires 😉
Et maintenant, place au sujet de la semaine ! Bonne lecture.
Nous parlons depuis les ténèbres
Laisse-moi aborder le genre, mais cette fois-ci chez les auteur·ices.
Quand on pense épouvante, horreur et fantastique en littérature, on a des noms en tête : Edgar Alan Poe, Stephen King, Anne Rice, Richard Matteson, Michael Macdowell, H. P. Lovecraft, Bram Stoker…
Bref, beaucoup de noms anglophones en sommes.
Si on se creuse la tête pour trouver des plumes françaises, on pensera à Guy De Maupassant, Serge Brussolo, Cédric Sire, Maxime Chattam…
Mais où sont les femmes ?!
Invisibles, encore.
En 2016, selon l’étude la plus récente que nous ayons à disposition, les femmes représentaient 38 % des auteur·ices publié·es tous genres confondus. Et c’est sans parler des héroïnes moins représenter que les héros dans les histoires (source : Actualitté).
Et les autrices sont encore plus cachées dans les “mauvais” genres, notamment parce qu’une étiquette loin de l’horreur et de l’étrange leur colle à la peau. En 2020, une étude a montré que les dix plumes féminines les plus lucratives du marché à l’époque sont lues en majorité par des lectrices (81 %).
J’ai dégoté une anthologie d’horreur, de gothique et de fantastique sombre dont les dix nouvelles ont été écrites uniquement par des autrices. Et en plus, ça a été édité par une Maison rennaise que j’apprécie : les éditions Goater.
Aujourd’hui je te dis ce que j’ai pensé de Nous parlons depuis les ténèbres (2023).
Ces histoires sont oubliables
C’est rare d’aimer toutes les nouvelles d’un recueil. Les lecteur·ices qui ont lu 13 Effrois ne font pas exception d’ailleurs ! Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises histoires, il n’y a que des sensibilités subjectives…
Voici celles que j’ai oublié quasiment juste après la lecture (si je peux t’en parler c’est parce que j’ai pris des notes).
La petite sœur des fauves, Aurélie Wellenstein
On a l’habitude des entrées in medias res quand il s’agit de nouvelles, parce qu’on a pas le temps de planter un décors comme on pourrait le faire dans un roman. C’est un exercice difficile, mais il fonctionne quand on parvient à donner de la profondeur aux personnages et aux actions dans leur substance. Chaque phrase, chaque mot est important. Rien de superflu.
Sauf que dans cette histoire, on a l’impression que l’univers est complexe, mais ça ne reste qu’une impression. C’est superficiel. On n’entre jamais vraiment dedans parce qu’on a pas de repère de temps ni de lieu. L’autrice l’a probablement travaillé, mais ça ne transparaît pas…
Si l’immersion à travers les yeux de la protagoniste était réussie, je n’aurai pas ressenti autant cette distance. Malheureuse, je suis passée à côté.
Pourtant, l’ambiance plutôt sale aux allures moyenâgeuses en période de peste est bien écrite ! Et puis, quand je commençais à y croire, un élément de fantasy a débarqué de nulle part et on m’a perdue.
Un arrière goût d’éternité, Morgane Caussarieu
C’est la première histoire qui revisite un mythe, celui des sirènes, à la sauce contemporaine. Et l’idée est bonne ! Dans un contexte banal, deux potes un peu cupides qui espèrent devenir immortels s’aventurent au milieu d’un étang où ils devraient trouver cette créature magique.
Les dialogues sont réalistes, l’action prenante (ça m’a rappelé “Le radeau” de Stephen King) et l’aspect de la sirène est bien travaillé.
Mais il y a comme un goût de trop peu ou de déjà vu. Ca ne va pas assez loin.
Ces histoires ont du potentiel
Elles auraient pu être meilleures, mais elles m’ont quand même plu en partie. Voici les nouvelles qui selon moi ont du potentiel.
Pas de deux avec les ténèbres, Cécile Guillot
Les danseur·es auront vu le clin d’oeil à la danse classique dans le titre. Il s’agit de l’œuvre d’une fan de Black Swan.
J’ai aimé cette nouvelle pour sa première partie : commencer à partir d’une situation tragique, un personnage triste, dont on plaint la vie merdique. Puis déclencher la suite en trouvant une solution à tout ses problèmes dans le Mal.
C’est clairement les fondements de mon premier roman avorté.
Mais disons que la chute aurait pu être plus crue ici.
Val d’errance, Lizzie Felton
Tandis que le docteur est dépassé par les comportements étranges de sa patiente, il doit s’en remettre à un prêtre, bien qu’il aurait préféré et éviter ça. C’est l’heure du débat concernant l’expérience de mort imminente.
La psychologie et la religion s’affrontent dans un dialogue ponctué de flashback (pas forcément indispensables). Malheureusement, les dialogues prennent le pas sur l’action, au moyen de verbalisations des théories de chaque personnage.
Intéressant, hein ? J’ai évidemment pensé au film L’expérience Interdite que j’ai vu cette année, mais le message n’est probablement pas le même ici.
Simplement, je pense que ça manque d’émotions, de ressenti. Même s’il s’en dégage une certaine ambiance angoissante.
Ces histoires sont poétiques
Qui a dit que l’obscurité ne pouvait pas côtoyer la poésie ?
Isadora, Micky Papoz
Deuxième mythe revisité : celui de la terrifiante (ou de la pauvre victime) Medusa. Métaphore incarnée par une femme hospitalisée dont l’identité est un mystère entier. Sans parler de ses yeux qui sont fermés, pour une bonne raison…
Âmes soeurs, Louise de Bars
Comme dans le secret d’un journal intime, nous voilà dans les lignes d’une histoire contemplative et métaphorique, riche en vocabulaire.
Comme c’est mystérieux et ingénieux de décrire l’indescriptible au travers d’une subjectivité. Chaque lecteur·ces se fait une idée de ce qu’est une âme, un maitre qui en est dépourvu et un voleur, créé pour bouleverser l’ordre des choses.
Ces histoires ont gagné une place dans ma mémoire
Et il y a celles que je garde en tête comme des petits trésors.
La boutique, Barbara Cordier
Celle-ci a quelque chose d’amusant ! Via l’égoïsme d’une petite peste qui choisit ses ami·es par intérêt, nous sommes témoins d’une épidémie. Et il semblerait que des bonbons en soient à l’origine. Quand elle n’est plus le centre d’attention des collégiennes, Lena décide de mener l’enquête pour comprendre ce que ces foutues sucreries ont de si exceptionnel.
Original, bien écrit, j’ai eu l’impression d’assister à la zombification d’une ville après l’explosion de l’usine de chocolaterie de Charlie. Peut-être une leçon sur la drogue qu’est le sucre, entre autres sujets abordés comme la méchanceté gratuite.
Amusant donc, mais flippant à sa manière de poser une vision de la société.
Planète 9, Floriance Soulas
Sans doute l’univers le plus abouti de l’anthologie : bienvenue dans un futur qu’on devine entre Passangers et Alien, dans la froideur d’un vaisseau et le silence d’un laboratoire déserté par la vie.
Désolation et effroi, voilà ce que j’ai ressenti au travers des descriptions immersives. Sans parler du frisson que provoquent les effets d’une technologie innovante, ce foutu implant neurologique défendu par Camille malgré les risques évidents encourus par celleux qui en portent un…
C’est la seule nouvelle de SF dans le lot, et elle est mémorable.
Tu aimes les enfants, Morgane Stankiewiez
C’est la nouvelle que j’ai préférée, mon coup de cœur valant un 9/10.
Elle se démarque par sa narration à la deuxième personne du singulier (rare et particulièrement réussie ici) et son ton très cru. Ce “tu”, il désigne, dès la première phrase, le vilain. C’est lui, ses pensées déviantes et ses actes répréhensibles qu’on doit subir.
J’aime cette nouvelle parce qu’elle ne prend pas de pincettes pour dénoncer un système vicieux qui transforme les hommes en monstres tout en les mettant à l’abris des soupçons et des sanctions.
C’est terrifiant, glauque, répugnant et ça s’inscrit dans un présent géopolitique marquant.
On déteste ce type, on veut qu’il paye. Et qu’en est-il ?
Du glauque en crescendo
Globalement, c’est une anthologie de qualité harmonieuse, même si j’ai eu la sensation de lire toujours mieux chaque fois que je commençais une nouvelle histoire.
Il vaut le détour au moins pour une chose : découvrir la plume d’autrices françaises dont les genres de prédilections sont les “mauvais” genres. Argument de poids !
Je n’avais lu qu’une seule de ces dix femmes par le passé et désormais je sais qu’un roman de Morgane Stankiewiez ou de Floriane Soulas me tentent beaucoup !
Mais je ne suis pas en train de faire ma liste au père Noël (pas encore).
Si je devais une note à la totalité, ce serait 7/10.
Avant de partir, j’ai une question pour toi.
Tu peux détailler ta réponse en commentaire en me disant lesquelles de ces autrices tu connaissais déjà et quelle(s) œuvres tu avais déjà lue(s). Ca me donnera des pistes !
Tes cadeaux pour te remercier de partager “Les Papiers Noirs à l’Encre Rouge”
Pour rappel, si tu recommandes Les Papiers Noirs à l’Encre Rouge à d’autres personnes, voici les récompenses que tu peux gagner :
1 recommandation → Choisis la prochaine œuvre que je chronique (film ou livre).
7 recommandations → La nouvelle Amort au format e-book.
20 recommandations → Mon recueil de nouvelles 13 Effrois au format e-book.
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J’espère que cette newsletter sur les autrices françaises de “mauvais” genres t’aura intéressé·e. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
Je n'en connaissais aucune ! Merci de nous les faire découvrir !
Je connais de nom Aurélie Wellenstein et Floriane Soulas mais je n'ai encore rien lu d'elles. Cela viendra certainement 😊