L'origine du mythe vampirique de Nosferatu
Le deuxième remake de Nosferatu vient de sortir au cinéma, l'occasion de revenir sur le mythe du vampire, co-fondateur du fantastique et du gothique.
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue à Lilwen, Benoit, Myosotis, François, Pierre, Cécile, Dina, Julie, Carlos, Isabelle et Camille qui nous ont rejoint depuis la dernière newsletter, le 19 décembre.
Je suis ravie de retrouver ma petite communauté pour faire un retour sur une œuvre mémorable.
Bonne lecture 😄
De Dracula à Nosferatu
De monstre reclus à fléau redouté en passant sans oublier héros de guerre et même séducteur dérangeant, le vampire connu sous deux noms emblématiques n’a cessé d’être réinventé pour hanter nos cauchemars.
Je veux parler de Nosferatu alias Dracula.
Quoi, tu ignorais qu’ils ne faisaient qu’un ? Laisse-moi t’expliquer, rapidement.
En 1897, le britannique Bram Stoker a 50 ans et il fait paraître Dracula, son premier roman fantastique qui lui a demandé 10 ans de travail. Après une carrière d’écrivain, il s’éteint en 1912, tué par la maladie.
De Londres au fin fond des Carpates, quel périple ! En arrivant à Bistritz, Jonathan Harker est épuisé. Mais son hôte, le comte Dracula, a tout prévu : une chambre est retenue à l'auberge. Le lendemain, Jonathan prendra la diligence jusqu'au col de Borgo. De là, une calèche le conduira au château.
Mais pourquoi les habitants du village se signent-ils avec des mines épouvantées quand Jonathan leur dit où il compte se rendre ? Pourquoi lui fait-on cadeau d'un crucifix ? De guirlandes d'ail ? Il est vrai que ce pays est celui de toutes les superstitions...
Malgré ces mises en garde, Jonathan Harker poursuit sa route. Certes, ces montagnes escarpées, ces loups qui hurlent dans le lointain ont de quoi vous faire frissoner. Mais enfin, nous sommes au XIXe siècle, que diable ! Et Jonathan est un homme raisonnable...
Seulement dix ans plus tard, Friedrich Wilhelm Murnau, un réalisateur allemand cherche à obtenir les droits du roman pour l’adapter au cinéma. La veuve de Bram refuse, mais Murnau outrepasse ses droits et met en image, pour la première fois, le vampire mythique, dans un film muet et en noir et blanc. Mais sous un autre nom, pour flouer le plagiat.
Le Comte Dracula devient le Comte Orlok, Johanthan et Mina Harker sont Thomas et Ellen Hutter et ils ne vivent pas à Londres mais en Allemagne.
Quant au titre, Dracula est remplacé par le mot Nosferatu, mot présent dans le roman de Bram Stoker pour désigner le fameux vampire.
“Nosferatu” fait un titre bien choisi pour le tout nouveau long-métrage en date réalisé par Robert Eggers et sorti le 25 décembre 2024 parce qu’en roumain, Nosferatu dont la forme correcte est nesuferitu désigne « l’innommable » ou « l’insupportable », soit un euphémisme pour parler du démon. Et même, mes recherchent m’ont mené à une autre signification : “Nosferatu” serait un mot dérivé du vieux mot slave nesufur-atu, emprunté au grec nosophoros, qui signifie « porteur de peste », ce qui est au sens propre et figuré la principale caractéristique du vampire imaginé par Bram Stoker, cinématographié par Friedrich Wilhelm Murnau et réadapté par Robert Eggers.
Bref. Murnau voleur ou génie ? Ce n’est pas la question !
Nosferatu version 2020’s
Il existe plus d’une dizaine de films mettant en scène cette histoire que je t’ai résumée plus haut, avec plus ou moins de liberté. Si je ne devais t’en recommander que trois il y aura :
Nosferatu le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau
Dracula de Francis Ford Coppola
Nosferatu de Robert Eggers
C’est du troisième, une sorte de parfait mélange entre les deux premiers, que je vais te parler maintenant.
Sans prétention ni aucune attente, je suis allée voir Nosferatu dans une salle de ciné quasiment vide ce lundi 13 janvier, juste avant qu’il ne laisse sa place à d’autres titre au programme du Cinéville de Lorient.
Grand bien m’en a pris !
Plus immersif qu’un casque de réalité virtuelle
Dès les premières secondes du prologue, je m’accroche au siège et je fixe l’écran : c’est partie pour deux heures qui n’en paraissent qu’une heure trente.
Ce qui fait qu’un film est cinématographique, avant son scénario et son jeu d’acteur, c’est sa forme : image, couleur, cadre, son, décors, costumes, maquillage (3h30 pour faire de Bill Skarsgård un effroyable vampire) … Et sur ces différents points, Nosferatu fait un sans faute, selon moi.
La bande-son composée par Robin Carolan, jeune compositeur ayant travaillé avec Robert Eggers sur The Northman est une obsédante. Aussi complexe et nuancée que le conte gothique, grâce à ses 60 musiciens et son choeur, ont y perçoit la mélancolie d’Ellen et la tragédie de l’histoire.
Lorsque le comte Orlok s’exprime, il ne parle ni en roumain ni en latin mais en dace, une langue morte méconnue dont les “r” roulés filent la chair de poule.
Une image à l’esthétique précise, faites d’ombres, de brume et de couleurs symboliques : tantôt le rouge du sang et de l’érotisme, tantôt le violet du cauchemar et de l’onirisme, tantôt le blanc pâle de la mélancolie et de la mort.
La beauté du film m’a carrément subjugué, c’est probablement ce que je retiendrais en premier.
Si tu as encore l’occasion de voir Nosferatu au cinéma, fonce avant qu’il ne soit trop tard : il est fait pour la salle obscure ! Et un conseil, vois-le en VOST.
Le retour du vampire monstrueux
Le vampire n’est ni un suave séducteur en smoking ni un héros sombre et troublant. Le vampire de la croyance populaire incarne la maladie, la mort et la lubricité dans sa forme la plus vile, brutale et implacable. C’est le vampire que j’ai voulu exhumer pour les spectateurs d’aujourd’hui. Robert Eggers
Tu te souviens de Lestat (Entretien avec un vampire, 1994), d’Edward Cullen (Twilight, 2008) et Damon Salvatore (Vampire Diaries, 2009) ? Oublie leur belle gueule de charmeur et leurs manières. Le vampire d’Eggers est tout sauf beau et amical.
Voix caverneuse, profonde et grave
Physique monstrueux
Peau poisseuse et plaies ouvertes
Avant d’être un physique, c’est une présence sans enveloppe, il reste longtemps un mystère. C’est une ombre qui se matérialise sur les draps, les murs, qui flottent et couvre le monde depuis le ciel. Parce que ce vampire n’en est pas moins magnétique. Il provoque chez le spectateur l’ambiguïté entre envie de le voir se dévoiler et la crainte qu’il ne le fasse. On le devine terrifiant et c’est ce qui est fascinant.
Loin du sourire malicieux du Comte de Francis Ford Coppola et de ses manies et toilettes, le Comte Orlok génère sueurs froides, grimaces et hurlements. En ce sens, la scène de rencontre entre Thomas et le vampire est mémorable, elle fout la trouille par procuration.
Enfin, Nosferatu version 2024 est bien un film d’horreur de son temps. Hors de question de laisser les femmes être de objets de désirs. Non, Ellen est plus qu’un personnage important, elle est plus que la convoitise d’un vampire assoiffé de sang, elle est l’héroïne, la force vive, l’élément déclencheur mais aussi celle sans qui la terreur ne prendrait pas fin.
Si tu as l’impression, par moment, de regarder un film d’exorcisme, c’est sans doute parce que cette tendance à marqué le début du XXIème siècle et qu’il est un élément fort du paranormal au cinéma aujourd’hui. Mais dans ce film, c’est surtout un moyen pour mettre en image la possessivité et l’emprise d’un être dominant sur un esprit torturé, incompris et méprisés par les hommes.
Avant de partir, j’ai une question pour toi.
Tout n’étais pas très clair pour moi jusqu’à il y a encore quelques jours, alors je me plonger dans cet univers à corps perdu. Maintenant j’ai envie de voir toutes les adaptations, de lire tout ce que je peux dessus, histoire de reprendre le fantastique là où il a commencé.
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A mercredi prochain 👋
Le Dracula de Bram Stoker est mon roman préféré. À la fin de l'année, je me suis d'ailleurs offert l'édition comics collector de chez Calidor, parce que je n'avais aucune édition digne de ce nom pour cette histoire qui a marqué mon enfance et m'a donné envie d'écrire.
Je n'ai malheureusement pas pu voir Nosferatu au cinéma, car le ciné près de chez moi a eu la bonne idée de ne le passer que deux semaines, pendant que j'étais partie dans ma famille et qu'aller voir un film n'était pas vraiment prévu à l'ordre du jour. Je vais donc devoir me contenter de le regarder sur Canal+ dès qu'il sera dispo.
Dracula de Bram Stocker est un de mes plus grands kiffs de lecture. Je m'en rappelle encore.
Je n'ai jamais lu un roman épistolaire aussi passionnant. Mina Harker, dans le roman, est une femme forte et on vibre avec elle.
La médiathèque de quartier que je fréquentais jeune adulte a un jour invité un spécialiste de la lecture à voix haute. Premier extrait lu: Dracula de Bram Stocker. Il a conquis le public quand Jonathan se coupe avec son rasoir et que le comte Dracula apparait derrière lui, sans que le miroir ne le reflète.