Mathieu a réussi le rêve d'un Français sur quatre, mais à quel prix...
Ecrire une histoire, la faire éditer, se faire interviewer, être adulé... Le pied ! Il y a deux façons d'y arriver : travailler dur ou usurper une identité.
Salut 👋
Il y a deux semaines tu as entendu ma douce voix lire un extrait de Rose Madder de Stephen King (dont j’ai publié la chronique sur Instagram juste ici). Cette semaine on décortique un thriller français et son lien à l’écriture.
Si tu as un doute sur la douceur de ma voix, les votes étaient unanimes.
Bonne lecture !
24 % des Français auraient envie d’écrire un livre, soit 12 millions de personnes (source : Odoxa, 2022)
Et toi, c’est quoi ton rêve ? Et jusqu’où serais-tu prêt·e à aller pour l’atteindre ?
Mathieu rêve de devenir un auteur reconnu. Mais a 26 ans, c’est un déménageur pistonné par son oncle, invisible et insignifiant, qui essuie les refus des Maisons d’Edition. Jusqu’à ce qu’il déniche un journal de soldat où est relatée la réalité de la guerre d’Algérie. Un authentique témoignage d’un envoyé au front, avec annotations, dessins, photos et anecdotes personnelles.
Attention au retour de Karma.
Un homme idéal (2015), par Yann Gozlan - 1h37
La première fois que j’ai vu ce thriller français, c’était sur grand écran. J’en suis ressortie si bouleversée que je lui ai collé un 9/10 ! La volonté du réalisateur - faire de Mathieu un menteur égoïste et criminel pour lequel on ressent de l’empathie au point de vouloir qu’il réussisse - avait complètement fonctionné sur moi.
La progressive, mais bien réelle, descente aux enfers que subit Mathieu à la suite de ses propres choix, comme un effet boule de neige inarrêtable, a touché ma corde sensible : mon amour pour les tragédies réalistes.
Ce n’est pas un spoile ! Dès le prologue, qui est ce qu’on appelle une prolepse (ou flashfoward en anglais : contrairement au flashback c’est un saut en avant dans le temps), on sait déjà que l’histoire va mal se terminer. Si on regarde le film, c’est pour connaître la cause de cette fin tragique et les multiples paramètres qui ont conduit cet homme à en arriver là.
L’écriture dans le film
Hier, lorsque j’ai visionné pour la 3e fois ce film, j’ai pris du recul.
J’ai commencé par me demander : « Pourquoi Mathieu écrit-il ? » Et tu sais quoi ? A aucun moment le scenario ne répond à cette question.
Pourtant, pour moi qui suis auteure assumée maintenant (c’était y a 9 ans, ça explique que j’ai écrit cette critique nulle sur SensCritique), est fondamentale. On ne sait pas pourquoi Mathieu s’est mis à taper des fucking mots sur son clavier plutôt qu’à gratter une guitare ou à peindre des nénuphars.
A partir de là, je peux comprendre qu’on trouve un manque de crédibilité au déroulé du récit. Moi-même, j’ai perdu l’empathie que j’avais eu pour Mathieu et ai simplement ressenti de la pitié nauséabonde.
Même si Pierre Niney est bon dans le son premier rôle d’antagoniste manipulateur et que la composition orchestrale de Cyrille Aufort accompagne avec merveille les moments de tension et de relâchement du film, y a un sérieux problème de réalisme, OH !
Merci de lire mes Papiers Noirs.
Pas de nouveaux depuis mercredi dernier, mais il ne tient qu’à toi d’inviter un·e copain·e !
Si tu partages cette newsletter à plusieurs ami·es, (et ça marche aussi avec les inconnu·es que tu suis sur Instagram, tant que tu ne harcèles personne…) avec le lien de parrainage en rouge,
tu gagnes des privilèges👇
Le scénariste fait de Mathieu non pas un écrivain fabuleux mais un très bon imitateur, qui n’a aucun don pour les mots mais un sacré talent pour le mensonge. Bien.
Sauf que j’ai surtout vu le mythe de l’auteur pauvre, torturé et seul se perpétrer. Celui qui écrit nuit et jour lorsqu’il est obsédé par une idée, quitte à pondre un roman de plusieurs centaines de pages en un ou deux jours seulement. Celui qui pond un premier jet digne d’être retenu par un éditeur.
La réalité est toute autre ! Alors certes en 2015 le COVID-19 n’avait pas encore fait d’un quart des Français des aspirants auteurs et il était probablement plus facile de se faire éditer. Reste qu’il y a peu de chance que ce stéréotype du gars solitaire coincé dans son appartement de paumé soit une généralité. Mathieu est tellement confiant qu’il envoie son bouquin et ose appeler l’éditeur pour s’assurer qu’il l’a bien lu avant de lui avoir envoyé une lettre de refus “automatique”.
Là où le parallèle avec l’écriture est juste, c’est dans l’évolution du protagoniste.
Mathieu trompe son monde une première fois pour arriver à ses fins. Il ne se doute pas tout de suite qu’il va devoir mentir pour le restant de ses jours s’il veut avoir une chance de garder sa vie telle qu’il l’a inventée. Alors, comme un écrivain imagine des personnages, Mathieu s’invente une identité. Dès le moment où il rencontre Alice, probablement le personnage tournant de sa vie de mensonges (celle pour qui il a commencé et pour qui il terminera), il joue à « Je te prends pour une conne et je regarde jusqu’où tu t’enfonces. »
Chaque fois qu’il solutionne un problème par la simulation ou la manipulation, il créer une nouvelle complication qu’il faudra aussi résoudre par des actes qui flirtent toujours plus avec les limites.
Le mensonge. Voilà une thématique qui me fascine. Ce n’est pas pour rien si je la traite dans plusieurs de mes histoires et notamment dans au moins cinq nouvelles du recueil 13 Effrois dont « Passion aveugle » et « Gabriel Dublais est mort ».
Et là où le message du film est fort, c’est dans sa morale. Mais je ne peux pas parler de ça sans te divulgâcher (ça c’est québécois à ce qu’il paraît) la fin. Ce que je peux te dire, c’est que Mathieu ce débat avec ses mensonges pour une mauvaise raison. Et finalement, peut-être que la réponse à ma toute première question trouve sa réponse là : Mathieu n’écrit pas pour une bonne raison. Il écrit probablement pour être célèbre, ou pour sortir de sa condition, voire pour trouver l’amour et pas n’importe lequel mais celui d’une femme instruite qui l’admire et d’une belle-famille qui tient vraiment à lui.
Attend, j’ai une question pour toi !
J’espère que cette newsletter spéciale dissection d’un thriller de mon point de vue d’auteure t’aura donné envie de voir Un homme idéal ! Si oui, laisse-moi un like avant de partir.
A mercredi prochain pour faire un tour dans les coulisses d’écriture 👋
PS : si tu as vu le film, on peut en discuter !
Et joyeux anniversaire à Pierre Niney qui fête ses 35 ans aujourd'hui même :-)
Je n'avais jamais entendu parler de ce film ! Après en 2015 je vivais un peu dans une grotte avec le boulot qui prenait pas mal d'énergie. J'aime bien les histoires d'écrivains, ce film devrait me plaire.