Ouvre ton livre page 66 !
J'adore écrire sous la contrainte, ça me stimule à fond ! Je ne parle pas d'une menace de mort à la Annie Wilkes, mais plutôt de consignes de forme et/ou de fond. Voilà ce que ça donne en texte...
Chair lecteur·ice 😈
Souhaitons la bienvenue aux abonné·es qui ont rejoint la communauté des Papiers Noir à l’Encre Rouge : Kyle, Catherine, Kevin, Albane et Claire !
Aujourd’hui, les villes ont troqué les toiles d’araignée et les fantômes par des vitrine rouge et vertes et des guirlandes illuminées. C’est toujours Noël bien avant l’heure.
Mais il est or de question qu’on arrête de parler des “mauvais” genres pour autant en ce lieu dédié.
Considère cette newsletter comme une bulle thématique, que personne ne peut percer.
Je prends donc la liberté de te parler de processus créatif d’écriture et de te partager deux textes de fiction inédits.
Bonne lecture 😄
Quand je m’exerce à l’écriture créative, c’est toujours morbide.
Il existe plusieurs entrepreneur·es qui ont monté leur école d’écriture après avoir expérimenté le monde du livre. Je pense à :
Cécile Duquenne et son École d’écriture 2.0 dont j’ai suivi la formation de réécriture d’un roman quand je travaillais sur le projet abandonné.
Lucie Castel qui co-fondé LICARES dont
a suivi la formation complète (elle en parle dans ) et dont j’ai beaucoup écouté le podcast “Devenir Écrivain” fut un temps.Marion Escudé, éditrice indépendante qui a monté l’école Miralta et grâce à qui je me suis lancée dans l’auto-édition d’un recueil de nouvelle suite au gain d’un concours Book On Demand sur son compte Instagram.
Margot Dessene et son Académie Les mots raturés dont le travail m’a beaucoup inspiré et dont j’ai suivi une formation en replay.
Et je pourrais encore en lister d’autres…
Il y a quelques jours (semaine ?), une amie m’a fait parvenir un exercice d’écriture créé par un membre d’une autre entreprise : L’école Les Mots.
En voici la consigne :
Prenez un livre dans votre bibliothèque au hasard, notez la troisième phrase de la page 66 (si elle est blanche, la 67 sera bien) et continuez à écrire à partir de cette phrase.
C'est parti pour 15 minutes d'écriture.
Je me suis prêtée au jeu deux fois.
Ca devrait t’amuser !
Une scène brute et sans retouche
Le reste de son corps était là, et peut-être pourrait-il s’en sortir ; la perspective d’y parvenir paraissait encore plus lointaine, mais il supposa que c’était techniquement possible… - Misery de Stephen King (1987)
Après la sensation piquante d’une invasion de fourmis vint la vague de chaleur. Ce n’était pas un élan hormonal ni une réponse psychique au choc que cette machine infernale venait de lui infliger. Son bras avait dû plonger dans un saut d’eau chaude. A moins que… Mike faillit perdre connaissance en regardant les flots rouges de vie quitter son organisme amputé. Le hurlement de terreur- plus que de douleur - lui échappa et entra en résonnance avec les quatre murs métalliques auparavant immaculé et désormais tachés de sang. Dans sa chance, merci le déraillement du mécanisme de torture, Mika avait subi la perte d’une main. Et dans sa malchance, il pouvait louer le hasard : c’était sa main gauche.
Peut-être car il venait de conscientiser les faits, la douleur jaillit brusquement dans son avant-bras. Et désormais, l’espoir d’échapper à cette terrible table mortuaire lui semblait improbable. Son bras droit était toujours menotté à ce qui serait bientôt son lit de mort. Il aurait pu essayer de se libérer si seulement il avait encore eu des doigts pour desserrer l’anneau.
Le temps qu’il ressasse l’impossible, la machine dentelée se remit en marche, au-dessus de lui. Elle avait l’air de lui sourire avec un sadisme inné.
Légende urbaine
« Et en a-t-il trouvé un ? » me demanda mon père, coupant court à une éventuelle dispute avec ma sœur. - Christine de Stephen King (1983)
« Malheureusement, non. C’est pour ça qu’il a besoin de mon aide. »
A ce moment-là, ça n’était pas une option de lui dire la vérité. Mais avec du recul, j’aurai mieux fait. Il ne réagissait pas. Pire, il sollicitait une intervention de Soline pour qu’elle lui affirme que je rigolais.
« Ce soir. Maintenant, en fait.
-Tu plaisantes, j’espère. »
Je détestais son sourire ironique. Couplé à ces yeux rougis par la fatigue, il avait l’air d’un alcoolique, l’haleine amère en moins.
« Ca fait cinq jours qu’on ne parle que de ça, le meurtre de tes camarades de fac, et toi tu veux sortir à la nuit tombée ?
-Ils ont été tués en plein jour , et le malade est en garde-à-vue, papa. »
Mais il persistait dans sa théorie fumeuse.
Gary Mitchel ne pouvait pas avoir taillé ces gamins en pièces avec une machette. Selon lui, ça ne tenait pas. Il avait sa place dans la société, une bonne réputation dans le quartier, une fille sous sa responsabilité.
« Ils n’ont pas le bon coupable, croyez-moi. »
Soline haussa les épaules l’air satisfait. Elle ne le contredisait jamais, à moins qu’il aille dans mon sens.
« Tu dis ça parce que c’est lui qui te tend ton Astro et ton paquet de clopes tous les trois jours. Tu croyais le connaître... »
Mais qui est-il au fond ? Le sait-on vraiment ?
Jeremy avait donné rendez-vous à Camille sur le parking principal pour une chevauchée sur sa bécane. Au bout de cinq minutes, ils avaient quitté la route pour recharger le réservoir. Probablement que sans ça ils n’auraient jamais atteint le cinéma.
Il était 18H00, et le soleil allait bientôt commencer à descendre, c’était ainsi en octobre. La station service était vide, du moins c’est ce qu’a raconté l’apprenti vendeur à son deuxième mois de boulot.
Camille était aux toilettes pendant que Jeremy faisait le plein. Trente minutes plus tard, un client découvrait le cadavre de la brune dans le cabinet repeint en rouge. Le deux-roues chevauchant le corps découpé de Jeremy derrière les gros conteneurs noirs a été retrouvé par le chien des flics qui ont inspecté la scène de crime à la lueur d’une lampe torche.
Le lendemain, c’est Gary qu’on a mis derrière les barreaux. On a trouvé une machette qui empestait l’eau de javel dans son garage alors qu’il n’avait pas encore commencé à faire du petit bois pour la cheminée. Alors, qui était vraiment Gary ?
Voilà comment j’ai joué avec ces premières phrases.
Qu’est-ce que j’aurai pu faire de ce 3e incipit ?
Chacun sa méthode pour s’emparer d’une consigne.
Dans le cadre de cet exercice, on ne part ni d’une page blanche, ni d’un véritable contexte. On part plutôt d’un état, d’un fait, que l’on peut interpréter à notre guise et qui suivant la personne qui la lit peut devenir tout et son contraire.
Prenons un autre exemple :
« Dans ce lit, les amères désillusions vinrent éhontément la rejoindre, se mêlèrent à ses draps virginaux, l’envahirent comme d’indésirables convives. » (Vert-de-Lierre, Louise le Bars, 2019)
Pour commencer l’exercice, je lis et relis la phrase si besoin.
Et avant de poser la pointe de mon stylo sur mon carnet, avant même de lancer le chrono de 15 minutes, j’imagine un contexte.
Je ne fais pas de l’écriture automatique, j’ai besoin d’un cap.
Typiquement, en lisant cette phrase poétique, je visualise tout de suite une vieille fille dans un lit à baldaquin aux draps froids qui trône au milieu d’une chambre presque hostile. Par la fenêtre la lueur de la pleine lune. Elle a les yeux ouverts, elle n’arrive pas à dormir, elle cogite.
Ca c’est un état.
Mais pourquoi elle cogite dans cet endroit sinistre ?
Peut-être parce qu’elle espérait ne pas dormir seule ce soir là, justement. D’où les désillusions, d’où les draps “virginaux”.
Peut-être parce que son rendez-vous galant s’est mal passé..
Oh oui, et cet homme s’était avéré être un goujat et qu’elle n’avait pas pu s’empêcher de lui planter ses crocs dans la cou pour le vider de son sang ?
Et voilà, j’ai un point de départ et une direction. A partir de là, je fais confiance à mes doigts pour guider ma pensée, ou l’inverse.
A ton tour d’imaginer une histoire
Pourquoi tu n’essaierais pas chez toi ?
a joué le jeu, elle a ouvert la page 66 de Passé imparfait de Julian Fellowes, et a écrit le texte suivant.
C'était peut être l'instinct du guerrier qui comprenait sur le champs à quel endroit le rempart était le plus fragile et laquelle des jeunes filles était la plus vulnérable.
Cet instinct désigna Joséphine comme la future épouse idéale. Idéale au sens où l'entendaient Godefroy, leurs mères respectives, les sœurs de Joséphine et l'ensemble de la bonne société londonienne. L'avis de Joséphine sur la question n'était pas sollicité.
Il était entendu qu'une jeune fille accomplie deviendrait une bonne épouse. L'accomplissement se manifestait par ce maintien tout en raideur, port de tête arrogant et cou de cygne qu'adoptaient toutes les jeunes femmes de sa connaissance.
L'art de la discussion, de la lecture, de la broderie et la pratique de la musique et du chant participaient à cet accomplissement. Et il occupait ces oies blanches pendant que les jeunes hommes apprenaient ce qui était réellement utile à la bonne marche du pays.
Cet instinct soufflait également à Godefroy qu'il n'était pas question que la future épouse soit d'un bois plus solide que lui.
Accomplie, certes. Déterminée, intelligente, mordante, ambitieuse, dotée d'esprit critique et d'initiative, certainement pas.
L'instinct voyait en Joséphine une faille, une fragilité. L'instinct ne se doutait pas que la vulnérabilité était voulue et travaillée avec la complicité d'une tenue parfaitement étudiée, d'un maintien composée et d'une volonté farouche.
L'instinct ne pouvait pas plus se tromper quant à la véritable nature de Joséphine.
Joli, n’est-ce pas ?
Ouvre ton livre page 66
Prend n’importe quel bouquin de ta bibliothèque, lance un minuteur de 15 minutes et essai !
Ou tu peux aussi ouvrir 13 Effrois à la page 66 et commencer par la phrase suivante :
- Alors, tu as trouvé la panne de l’engin ?
Je ne sais pas ce que tu en penses toi, mais moi je trouve que cette phrase - qui ouvre un champ des possibles assez grand - en plein dans la nouvelle Gueuleton, ressemble pas mal à la première phrase de la page 66 de Christine.
Et j’adore les coïncidences étranges !
Rien ne t’oblige à partager ton texte ensuite. Tu peux le garder pour toi.
Ou bien, tu peux faire comme Aurélie et me l’envoyer. Si ça te dit, je pourrais même te donner mon avis dessus et/ou la publier dans une prochaine newsletter.
Avant de partir, je te demande.
Tu peux détailler ta réponse en commentaire, si tu veux en discuter, posément.
Tes cadeaux pour te remercier de partager “Les Papiers Noirs à l’Encre Rouge”
Pour rappel, si tu recommandes Les Papiers Noirs à l’Encre Rouge à d’autres personnes, voici les récompenses que tu peux gagner :
1 recommandation → Choisis la prochaine œuvre que je chronique (film ou livre).
7 recommandations → La nouvelle Amort au format e-book.
20 recommandations → Mon recueil de nouvelles 13 Effrois au format e-book.
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J’espère que cette newsletter sur un exercice d’écriture t’aura intéressé·e. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
J'aime beaucoup ce type d'exercice où il y a une contrainte forte, je trouve que c'est ce qui permet paradoxalement d'être le plus créatif !
J'ai voté pour le 1 mais après réflexion le 2 peut être très cool à développer.