Littérature vs Cinéma : un débat sans fin ?
Les adaptations cinématographiques envahissent les salles obscures : je te dis pourquoi ça fonctionne et quelles sont les limites de l'adaptation.
Dans la newsletter n°28 dont le sujet était les enfants dans les films d’horreur, je t’ai demandé quel type de film d’horreur tu préférais.
Et les réponses sont plutôt partagées, ce qui est normal. Tu veux connaître ma réponse ? Je n’ai pas forcément de préférence. Par contre, j’ai tendance à trouver les films réaliste plus terrifiants encore. Je trouve que la proximité avec la réalité, le fait que ça puisse arriver, que c’est probablement déjà arrivé, donne une perspective profondément horrible à ces films.
Et cette semaine j’ai mixé mes deux sujets de prédilection : les films et les livres.
Bonne lecture 😄
Pourquoi les adaptations cinématographiques de livres sont-elles si difficiles à réussir ?
T’as remarqué qu’au cinéma y BEAUCOUP d’adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires ?
Quand je vois ce qui sort, j’ai l’impression qu’on tourne en rond sur les mêmes histoires. Une énième adaptation du Dracula de Bram Stoker, une adaptation Disney en live action (bientôt Vaiana…), une nouvelle adaptation de comics (y a combien de Spidey ?), bientôt une série Harry Potter, mais QUOI ?
Après mon appréciation subjectif, voici les chiffres :
En 2018, 20% des films sortis en salles en France étaient des adaptations et elle représentaient 33% des plus gros succès au box-office.
C’est une affaire de gros sous, alors ?
Quand un film adapté d’un roman sort, c’est bénéf’ aussi pour la maison d’édition et toute la chaîne du livre qui réédite l’œuvre avec une nouvelle couverture incluant une image du film. Avoue t’en a un dans ta bibliothèque !
Généralement, les ventes sont multipliées par 2 au minimum après une sortie au cinéma.
Et de la même façon, une production de cinéma ne choisira pas n’importe quel roman mais si possible un succès en librairie. Ca rassure les distributeurs et facilite l'investissement dans le projet.
C’est tellement le bon filon qu’il existe un organisme favorisant les rencontres entre éditeurs et producteurs pour mettre en avant des œuvres à fort potentiel d'adaptation.
C’est un vrai business : 300 œuvres regroupées dans un catalogue qu’est envoyé à chaque producteur inscrit sur la liste de diffusion.
Euh, s’cuze mais ça veut dire quoi “fort potentiel d’adaption” ?
Tous les romans ne sont pas fait pour être portés à l’écran !
Il y a des lectures imagées qu’on figure très bien dans notre esprit. Les actions sont visuelles, les personnages sont quasiment palpables. Ces oeuvres-là sont presque déjà conçues pour devenir des films.
Mais il y en a d’autre qui n’ont pas été pensées pour le cinéma. Tenter de les adapter est absurde.
Je pense à Betty, un thriller d’Arnaldur Indridason. Ce roman joue sur un mystère qu’il est IMPOSSIBLE de retranscrire à l’écran à moins d’en changer l’essence. Pour que tu comprennes mieux, je vais tenter de t’expliquer sans rien spoiler.
L’identité du protagoniste nous semble connue, parce que c’est de son point de vue qu’est raconté le récit et il s’exprime en dialogue comme en pensée. Pourtant, au milieu du roman on se rend compte que l’auteur s’est foutu de nous depuis le début. Il a omis une information sur le protagoniste qui transforme tout à coup totalement notre perception de l’histoire et de ce personnage au point d’avoir besoin de faire une relecture (indice : parce qu’on est dans une société normée où les gens doivent rentrer dans des cases).
Ce que nous cache l’auteur n’est possible qu’avec les mots, pas avec les images et le son, à mon humble avis.
Et souvent, une adaptation littérale d’un roman dessert le film
Passer du papier à l’écran, des mots aux images et au son, ça implique une restructuration de l’histoire. Des changements qui plaisent rarement à celleux qui se sont imprégné·es du récit d’origine et attaché à la version initiale.
Quand on sait que c’est Dobby dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, et non pas Neville, qui est censé montrer à Harry, Ron et Hermione où se trouve la Salle sur Demande et comment on l’ouvre… Et en réalité, la version du livre a plus de sens puisque Dobby est puissant, curieux, malin et qu’il est libre de voguer dans le château quand il veut !
Tu me crois pas ? L’info est dispo sur la bible digitale des Potterhead : Wiki Harry Potter.
Après… Personnellement, j’ai vu la saga Harry Potter quasi entièrement avant d’en lire les romans. Donc je n’ai pas souffert du choix de casting par exemple. Et j’ai même adoré découvrir tous les détails cachés dans les romans qui ont été supprimés au cinéma principalement pour des raisons de durée.
Parfois, les auteurs eux-mêmes sont déçus de l’adaptation de leur roman :
Stephen King n’aime pas le Shining de Kubrick et je le comprends… Il a fait de Jack un alcoolique diabolique dans son interprétation alors que c’est avant tout l’hôtel hanté qui détruit l’esprit de Jack et le pousse à faire le mal. Il a arrangé l’histoire à sa façon et l’auteur peut le vivre comme une trahison. Ca reste un excellent film d’épouvante, mais une mauvaise adaptation…
His version of The Shining "ends with the hotel burning, and [Kubrick's] with the hotel freezing" because he is a "warm and gooey" person while Kubrick was "the coldest guy in the universe". (The Guardian)
Richard Matheson déplore que les cinéastes d’Hollywood, quatre pour être précise, s’acharnent à adapter son roman Je suis une Légende sans jamais respecter son œuvre. (Mental Foss)
Mais des tas d’adaptations sont des succès !
Je ne vais pas te faire une liste, ce serait chiant comme la mort. Mais voici quelques exemples (de “mauvais” genre bien sûr).
Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme, 'adaptation du roman de Thomas Harris a remporté cinq Oscars. Il a carrément transcendé la qualité littéraire grâce au jeu d’acteur, à la bande-son justement dosée pour accompagner une ambiance pesante, et au jeu de caméra qui nous place dans la peau de l’enquêtrice : une femme dans un monde d’hommes.
Misery de Rob Reiner égale quasiment le chef-d’oeuvre de Stephen King. Encore une fois, l’ambiance de ce huit clos et le jeu d’acteur a fonctionné. Kathy Bates a reçu un l’Oscar mais aussi le Golden Globe de la meilleure actrice en 1991 pour sa performance dans le rôle d'Annie Wilkes, l’antagoniste !
Alors, arrêtons de nourrir la querelle entre littérature et cinéma
Elle est probablement vaine. Ces deux arts sont différents, alors à quoi bon les comparer sans cesse ? Ils ont à s'enrichir des réflexions qu'ils se renvoient mutuellement.
Alors quand une adaptation de roman sort au cinéma, vois-la plutôt comme une œuvre nouvelle : elle part de zéro ou presque. Elle est l’interprétation d’un réalisateur et la tambouille d’un scénariste.
Ne pars pas sans répondre à ma question !
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J’espère que cette newsletter sur les adaptations ciné d’œuvres littéraires t’aura intéressé·e. Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
Alors en vrai, dans ma logique, je préfère lire le livre avant. MAIS :
Quand je mate le film après avoir lu le livre, je suis déçu les trois quarts du temps. Alors qu'inversement j'ai kiffé les livres découverts grâce aux adaptations elles-mêmes kiffées. ^^
Je pense que voir le film avant de lire le roman limite le risque d’être déçu, au pire le roman ajoutera de la profondeur et des détails au film. Et puis j’aime bien lire un livre avec les images du film en tête, même si je ne manque pas d’imagination en général !