De la nervosité à la légitimité : mon premier salon du livre au scalpel
« C'est vraiment bien ce que vous écrivez, bravo ! Par contre, ma pile à lire est déjà pleine alors... Bonne continuation. » et autres anecdotes du Festival Écrire! 😅
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La semaine dernière (Papiers Noirs n°20), j’ai posé une question simple pour te sonder. Quatre lecteur·ices y ont répondu :
Mon analyse très scientifique : le lectorat des Papiers Noirs est définitivement attiré par les thrillers et les serials killers. Aucun vote n’a été donné à l’oeuvre de poésie. Ca ne me surprend pas. Quelque part, ça me rassure ! Ca veut dire que je m’adresse aux bonnes personnes ici. N’est-ce pas que tu aimes les mauvais genres ?
C’est partie pour les coulisses d’auteure.
Mon premier salon du livre était…
Exaltant, fatiguant, stimulant, frustrant. Mitigé.
Le Festival Écrire! c’était deux jours (16 heures non-stop) de tenue de stand, en solo, pour donner de la visibilité à mon œuvre littéraire. Le tout avec mon manque évident de confiance, mon inexpérience, mes lacunes en marketing et mon syndrôme de l’imposteur. Ah, et ma voix pétée par une laryngite installée.
Pour te tirer les leçons et te raconter les moments marquants d’un tel événement, il me faut une newsletter conséquente. Promis, tu ne verras pas les mots passer. Je vais m’efforcer d’entrer dans ta tête avide de détails pour répondre à tes questions. Si jamais tu en as d’autres, tu n’auras qu’à me les écrire en commentaire et j’y répondrais avec plaisir.
La gestion émotionnelle d’une première fois
Oui, le stress est venu à ma rencontre. Mais il ne s’est pas vraiment installé. Il m’a fait coucou la veille au soir en instillant une peur d’être en retard, d’avoir un stand qui passe inaperçu, de faire tache dans le paysage à côté d’auteur·es qui exposaient 3, 6, 10 livres sur leur table…
Mais une fois que j’avais disposé mes accessoires de décos et une quinzaine d’exemplaires de mon recueil sur la table noire, j’ai gagné en sérénité. En réalité, c’est grâce à la présence d’un visage familier. Frédéric Martinoty, l’éditeur indépendant que j’ai missionné sur la version 1 de 13 Effrois m’a rassurée. Je me suis sentie à ma place à ses côtés, malgré son expérience bien supérieure à la mienne.
Et il n’était pas le seul à dégager une telle bienveillance. J’ai ressenti un véritable élan de solidarité entre auteur·es sur place. Pas de mise en concurrence, par de comparaison, mais des conseils, de l’écoute et le sens du service. Au Festival Écrire! j’ai pu enfin mettre un punch gauche à mon syndrome de l’imposteur parce que j’ai eu le sentiment d’appartenir à une communauté, et d’être à ma place en tant qu’auteure.
C’est sans doute LA leçon positive de ce week-end. Maintenant, je me sens plus légitime.
Enfin, l’organisation de l’événement a rendu l’expérience agréable. Je ne suis pas morte de faim ni de soif, parce que les bretons savent recevoir : crêpes et café à volonté pour les exposant·es.
Rencontres avec les lecteur·ices : anecdotes
C’est le moment croustillant que tu attends. A la louche, je dirais que j’ai réellement parlé à une quinzaine de personnes. Et ça n’a pas toujours été une partie de plaisir.
Les donneurs de leçons sont souvent des hommes
J’ai eu le droit au lot de visiteurs du 3e âge qui se sont arrêtés sur mon stand pour me faire ressentir leur mépris vis-à-vis de ce que j’ai explicitement appelé les “mauvais genres”. De la grimace aux mots, j’ai notamment eu le droit à ces deux remarques étranges.
« Je ne comprends pas pourquoi choisir le polar plutôt qu’écrire la réalité. »
Derrière cette critique qui trahissait son manque d’intérêt pour la fiction qu’il jugeait pauvre, j’ai compris la frustration de ce vieux monsieur. Il m’a tenu la jambe pendant 10 minutes pour me parler de sa proche mort et de sa volonté d’écrire un livre avant de trépasser. En critiquant mon choix d’écrire des histoires “fausses”, il m’avouait son incapacité à m’imiter. Je l’ai encouragé à écrire SON livre parce que personne d’autre que lui-même ne pourra coucher SES idées sur le papier de la façon dont il l’a décidé. Et je lui ai appris au passage qu’en écrivant de la fiction, j’écrivais (on écrivait tou·tes) aussi la réalité. Oui, quand j’écris « Justice Vengeresse », je place un personnage dans un univers qui n’existe pas (a priori), mais je critique une réalité qui nous touche : l’horreur de l’industrie de la viande. Ce n’est qu’un exemple.
« Je n’aime pas le genre dans lequel vous écrivez »
A celles et ceux qui sont passé·es sur mon stand pour me dire que l’horreur et le noir n’étaient pas leur truc, je me suis contentée de dire qu’il en fallait pour tout le monde. Je ne saurais expliquer pourquoi je suis tombée dans la marmite de Stephen King quand j’avais 13 ou 14 ans avant de m’enfoncer dans la spirale de l’horreur en enchainant les films de zombie et les revenge-porn de piètre qualité. Mais j’aime ça. Et je ne suis pas la seule. Est-ce que moi je prend la liberté d’entrer chez un boucher pour lui dire qu’il est cruel d’exposer et de vendre des animaux morts ? Non, je passe mon chemin.
Les discussions encourageantes pour contrebalancer
Heureusement que je n’ai pas seulement subi du mansplaining pendant 16 heures ! Des ami·es sont même passé·es me donner le sourire et me réconforter. Et j’ai aussi vécu des moments brillants.
« Bravo d’avoir écrit un livre ! »
J’ai reçu les félicitations d’une inconnue fière de voir une jeune femme être allée au bout de l’écriture et de l’édition. Je ne sais pas si c’est mon apparence qui me vaut souvent de paraître plus jeune que je ne le suis, ou si c’est le fait d’être assigné au genre féminin, mais plusieurs personnes m’ont demandé si c’était moi qui avait écrit ces histoires, et si c’était moi aussi qui les avaient publiées. Comme si c’était un exploit ! Et c’en est un, je m’en rend compte. Tout le monde ne peut pas prétendre d’y être parvenu (mais ça n’a rien avoir ni avec mon âge ni avec mon genre). J’ai vu de la fierté dans les yeux des gens.
« Ca me fait penser à Stephen King »
La remarque qui me fait sourire jusqu’aux oreilles, c’est quand Stephen King vient à l’esprit des lecteur·ices. Je sais que certain·es auteur·es détestent être comparé·es à d’autres dans une volonté d’être unique et irremplaçable. Moi j’adore qu’on puisse rapprocher mes histoires de la plume mondialement connue du roi de l’horreur. Et au salon du livre, King est régulièrement revenu dans mes conversations. Il m’a d’ailleurs valu une vente à une fan avec qui j’ai probablement eu la discussion la plus détendue du week-end.
Concrètement, c’était rentable comme salon du livre ?
N’y allons pas par quatre chemins. Non, le Festival Écrire! n’a pas été rentable.
Mais je sais pourquoi, et ça n’a rien avoir avec mon incompétence.
D’abord, le public de ce salon n’était pas la cible de 13 Effrois. La majorité des visiteur·es n’était pas très intéressée par la littérature de fiction à l’inverse de la poésie, du contemporain ou des livres d’artiste et autres œuvres uniques. Et tous les livres d’imaginaire ont été laissés pour compte.
Pour cette principale raison, je ne pense pas y retourner l’an prochain.
Néanmoins, je pense sincèrement que j’aurai pu faire un carton dans un festival spécialisé dans l’imaginaire, voire dans l’horreur (coucou le Frisson Festival). Parce que les fans des mauvais genres ont été attirés par ma couverture.
Étant donné le coût que représente la participation à un salon, il vaut mieux bien les choisir. Car pour que ça soit rentable, il faut vendre beaucoup de livres…
Or, au Festival Ecrire! j’ai vendu 7 bouquins. Avec ça, je n’ai même pas remboursé les 3/4 des frais de location du stand qui s’élevaient à 40 €. Et je ne te parle pas des frais de déplacement.
J’aurai peut-être pu faire mieux, cela dit. J’ai pris des notes quant à la façon d’aborder les gens sur mon stand, de leur laisser une trace de mes écrits.
J’ai vu des auteurs avec des marques-pages ou des cartes postales à l’effigie de leurs oeuvres. Iels les distribuaient à celleux qui achetaient un livre, mais aussi à celleux qui ne faisaient que passer. En écolo’ dans l’âme et surtout à l’heure du numérique, j’ai choisi de ne pas suivre cette idée et de faire, à la place, un récapitulatif de mes points de contacts sur un présentoire DIY. Mais je doute de l’impact qu’il a eu.
Dis-moi, en tant que visiteur·e sur un salon du livre, tu ferais quoi ?
Par contre, ce week-end-là, 11 personnes se sont abonnées à mon compte Instagram. C’est une des conséquences positives des rencontres qui ne se mesurent que dans le temps et non dans l’instant. D’ailleurs, on sera bientôt 400 sur insta 😃
En parlant d’Instagram, j’y ai publié récapitulatif du Festival Écrire! en vidéo 👇
J’espère que cette newsletter “retour d’expérience” aura été satisfaisante ! Si oui, laisse-moi un like avant de partir !
A mercredi prochain 👋
Bonjour Amélie. Bravo et merci pour cette belle newsletter. Ca doit être quelque chose de participer à un salon littéraire. En tant que lectrice, je ne vais que très peu dans les salons. J'ai fait un salon du livre à Paris parce qu'une prof de lycée avait organisé une sortie de classe là bas. Je suis allée une fois au Salon du livre de poche à Saint Maur et avec les Yeux fermés j'ai participé à deux salons du livre jeunesse du Pays de Lorient. Et à chaque fois j'ai ressenti un énorme malaise face aux auteurs. En bonne lectrice pleine de manies et de névroses, j'aime bien toucher le livre, lire le quatrième de couverture et comme tout se lit sur mon visage, être scrutée par l'auteur qui a mis tant d'énergie et de passion à écrire l'ouvrage me gêne, surtout si le résumé me séduit beaucoup moins que la couv. Je crois que j'ai besoin que l'auteur reste une abstraction. Par contre une fois que j'ai lu et aimé un auteur ou une autrice, j'apprécie de regarder ou d'entendre ses interviews promotionnelles. Mais l'avoir en face de moi, c'est trop d'émotions lol. Même au FIL, inconsciemment, j'évite le quai du livre. Bravo pour ton premier salon et continue de nous écrire de chouettes textes.
Merci pour ton retour sur ce premier salon ! C'est clair que ça demande beaucoup de temps et de préparation pour un résultat incertain, mais c'est une expérience ! Et surtout, ça permet de voir des gens (et après d'avoir de sacrés anecdotes à raconter...).